j'avais penser que nous aurions pu nous baser sur des fait réel pour ce qui est des classes du genre ce baser sur des légende ou encore sur des fait historique pour pouvoir exprimer et même expliquer les divers classe et peut être même en trouver davantage.
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Quelque idées générale des classes
Guig- Magistrats
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Quelque idées générale des classes
Seb- Magistrats
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- Message n°2
Re: Quelque idées générale des classes
Donne moi des exemples par se que je ne comprend pas tellement...
Guig- Magistrats
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- Message n°3
Re: Quelque idées générale des classes
exemple les elfe font partie de la quasi totalité des mythe et légende et il fais également partie de l'univers fantastique mais je n'étais qu'un exemple.
Guig- Magistrats
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- Message n°4
La magie a lantiquitée
La magie dans l'antiquité
--------------------------------------------------------------------------------
Introduction
essai de définition des termes
les sources dont nous disposons
Elles sont de trois sortes :
les papyrus magiques
les tablettes d'envoûtement
les amulettes
Le rituel et les instruments utilisés
les magiciens
l'initiation
deuotio et defixio
évocation et incantation
nécromancie ou évocation des morts.
charmes et envoûtements
les contremesures
Représentations littéraires de la magie et de la sorcellerie
La magie nous est donc connue par les témoignages nombreux et variés que nous avons évoqués précédemment et que nous a révélés l'archéologie. Mais jusqu'à une date relativement récente les connaissances sur la magie gréco-latine émanaient essentiellement de sources littéraires. Ces textes décrivent souvent des rituels magiques renvoyant à une certaine croyance ancestrale dans l'extraordinaire, l'irrationnel, ce qui échappe à la connaissance pratique, dans le "magique" donc. Par ailleurs ces rituels de sorcellerie se déroulent, comme nous l'avons vu, toujours la nuit : l'obscurité, l'ombre, plus ou moins éclairée par la lune, attise les peurs et favorise cette croyance.
transformation en animaux
les pratiques de la magie dans la littérature grecque
les pratiques de la magie dans la littérature latine
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Introduction
essai de définition des termes
les sources dont nous disposons
Elles sont de trois sortes :
les papyrus magiques
les tablettes d'envoûtement
les amulettes
Le rituel et les instruments utilisés
les magiciens
l'initiation
deuotio et defixio
évocation et incantation
nécromancie ou évocation des morts.
charmes et envoûtements
les contremesures
Représentations littéraires de la magie et de la sorcellerie
La magie nous est donc connue par les témoignages nombreux et variés que nous avons évoqués précédemment et que nous a révélés l'archéologie. Mais jusqu'à une date relativement récente les connaissances sur la magie gréco-latine émanaient essentiellement de sources littéraires. Ces textes décrivent souvent des rituels magiques renvoyant à une certaine croyance ancestrale dans l'extraordinaire, l'irrationnel, ce qui échappe à la connaissance pratique, dans le "magique" donc. Par ailleurs ces rituels de sorcellerie se déroulent, comme nous l'avons vu, toujours la nuit : l'obscurité, l'ombre, plus ou moins éclairée par la lune, attise les peurs et favorise cette croyance.
transformation en animaux
les pratiques de la magie dans la littérature grecque
les pratiques de la magie dans la littérature latine
Guig- Magistrats
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- Message n°5
Re: Quelque idées générale des classes
Essai de définition des termes
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Que signifie le mot "magie" ? C'est, selon le dictionnaire Littré, l'" art prétendu de produire des effets contre nature ". On distingue la magie blanche, qui agit par des moyens inconnus du vulgaire et la magie noire, qui est censée opérer des effets surnaturels à l'aide des démons. Il ne s'agira ici que de cette dernière.
Primitivement la magie était la religion des "mages", c'est-à-dire les prêtres de la religion des anciens Perses, après ceux de la Babylone antique en Assyrie. Au XVIIe siècle encore, chez nous, les mages incarnaient une sagesse exotique pressentant l'avènement d'une religion nouvelle : " Qu'était-ce que les mages dont nous honorons la mémoire ? C'étaient les sages de la gentilité ", dit le prédicateur Bourdaloue dans les Mystères de l'Épiphanie. Le mage qui était dépourvu de savoir était un charlatan.
Ensuite le mot "mage" a fait place au mot "magicien". Cependant Corneille encore 1 écrit : " Ce mage qui d'un mot renverse la nature / N'a choisi pour palais que cette grotte obscure. "
Les mots "sorcellerie" (mot fabriqué sur l'ancien verbe "sorceler", et anciennement "sorcerie"), et "sorcier" viennent du bas-latin sortiarius, issu lui-même de sors, sortis. Le sorcier est celui qui jette un sort ou qui dit le sort. Contrairement au mot "magicien", le mot "sorcier" a toujours une connotation péjorative. Le sorcier, en effet, ne possède pas une science comme le magicien, il dispose seulement de recettes et la sorcière est l'opposé de la bonne fée. Sorcier et sorcière passent pour avoir fait un pacte avec le diable ou les dieux infernaux pour opérer des maléfices ; ils vont aussi, dit-on, à des assemblées nocturnes appelées "sabbats" ; mais ce dernier détail ne concerne pas l'époque antique.
En parlant de magie ou de sorcellerie (les deux concepts, au total, interfèrent), nous laisserons de côté les phénomènes de possession ou d'extase qui relèvent du chamanisme (phénomène religieux de Sibérie et d'Asie cntrale). Des personnages comme Cassandre, d'une part, Oreste et Héraklès dans leur crise de folie d'autre part, pourraient être considérés comme des "chamans".
Chez les Grecs,
trois mots appartiennent au vocabulaire de la magie : magos (mageia), goès et pharmakos (pharmakeus), mais ces mots ne sont apparus que tardivement (fin du 6e siècle avant J.-C.)
Le terme magos (qui a entraîné le dérivé mageia) est emprunté à une tribu mède dont le nom signifie "les grands". Ces mages sont des prêtres qui accomplissent des sacrifices, pratiquent la divination et savent interpréter les songes. Chez les Grecs le magos est une sorte de prêtre itinérant, un expert polyvalent. Le goès (-ètos) est une espèce d' "enchanteur", qui procède par incantations et vaticinations (cf. le verbe goaô-ô = pousser des lamentations). Très vite, dès le 5ème siècle, le terme magos prend une connotation péjorative 2 , c'est-à-dire qu'il ne se distingue plus guère du goès. Tous les deux sont l'objet de la même réprobation. Enfin le terme pharmakeus (pharmakos), apparenté à pharmakon, le remède ou le poison végétal, d'où le sens de "breuvage magique", désigne en général l'empoisonneur.
À Rome,
les mots magus/magicus et magia apparaissent tardivement (1er siècle av. J.-C.). Ces termes sont bien évidemment empruntés au grec. On trouve le terme magus pour désigner un spécialiste de la religion perse chez Catulle et la première occurrence de l'adjectif magicus apparaît chez Virgile. Mais toutes les citations de ces mots font partie de l'évocation des rites grecs, non des habitudes romaines.
Pourtant la magie en tant que telle, existe bel et bien. Elle agit par carmina (bona et mala). Le rituel est donc chanté ; les gestes magiques pour guérir un membre fracturé, par exemple, (deux moitiés de roseau que l'on rapproche) s'accompagne de chants (Caton, De agricultura). Pour nous ce rituel s'apparente à la magie, mais les Romains ne raisonnent pas de la même façon : ces gestes ne relèvent pas de la magie mais de la médecine. La magie véritable se définit par une intention malveillante et non par des formes rituelles spécifiques. La preuve en est que les termes uenenum (breuvage magique, philtre), ueneficium (empoisonnement) et ueneficus (empoisonneur) ne prirent que tardivement des sens maléfiques.
Enfin il faut signaler que la figure du magos ou goès itinérant est inconnue des Romains. Les prêtres itinérants existent mais ne pratiquent pas la divination. On se méfie de l'haruspice ou du devin chaldéen, mais c'est uniquement pour éviter de se faire soutirer de l'argent inutilement... Sous l'Empire tout change : la magie devient envahissante en accaparant les procédés de la médecine, en s'appropriant la fonction de la "religio"et en annexant aussi l'astrologie. Nous en avons un témoignage capital par Pline l'ancien (Pline, Histoire naturelle).
Il s'est donc produit à Rome une évolution en deux temps : sous la République, il existe des pratiques qui s'attaquent à l'intégrité des personnes ou de leur propriété (ueneficium, malum carmen) mais ces pratiques ne sont pas considérées comme de la magie et sous l'Empire le terme magia combine médecine (qui guérit), astrologie et divination. L'élite romaine, hellénisée, s'est emparée du terme grec qu'elle associe à ueneficium (maléfice).
Reste, pour terminer, à préciser en quoi la magie et la sorcellerie se distinguent de la religion, d'une part, des cultes à mystères d'autre part. Quelle que soit l'étymologie du mot religion (à rattacher au verbe latin ligare = "lier", selon Lactance et Tertullien, ou à legere = "recueillir, ramener à soi, reconnaître", selon Cicéron), la religion met l'accent sur l'importance d'un rituel fixé et reconnu par les traditions et les décisions de la cité, la magie sur des pratiques et des procédés plus ou moins fantaisistes, dépendant d'un individu et destinés au "vécu" d'un individu. La religion agit au grand jour, la magie, dans l'univers du secret ; la religion implique la toute-puissance des dieux qu'elle laisse, par conséquent, libres d'agir car ils savent, mieux que les hommes, ce qui est bon pour eux ; la magie, la sorcellerie prétendent persuader les dieux, voire leur commander (parfois avec menaces) d'intervenir pour la réalisation de desseins personnels. On a même pu dire que le monde de la magie était la cité à l'envers, parce que les marginaux de la société antique (les femmes et les esclaves) y règnent, alors que dans la religion officielle ce sont le prêtre, le roi qui agissent au nom de la cité.
Enfin, quelle différence entre magie, sorcellerie et les cultes à mystères, comme ceux d'Éleusis, ou l'orphisme, toutes doctrines secrètes ? Leur point commun c'est d'abord la nécessité d'une initiation, ensuite le but visé, qui est un résultat, un aboutissement. Mais le sorcier qui pratique la magie demande un résultat immédiat (reviennent sans cesse dans les formules d'incantation ou d'imprécation les mots "vite, vite, très vite") ; le participant aux mystères, le myste, se plie à une ascèse et à un rituel qui dure plusieurs jours ; l'orphisme sait que l'aboutissement, c'est-à-dire la quête de la félicité, est fort long et peut exiger plusieurs vies. Mais magie, mystères et orphisme visent tous les trois un accomplissement individuel, une libération personnelle.
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Que signifie le mot "magie" ? C'est, selon le dictionnaire Littré, l'" art prétendu de produire des effets contre nature ". On distingue la magie blanche, qui agit par des moyens inconnus du vulgaire et la magie noire, qui est censée opérer des effets surnaturels à l'aide des démons. Il ne s'agira ici que de cette dernière.
Primitivement la magie était la religion des "mages", c'est-à-dire les prêtres de la religion des anciens Perses, après ceux de la Babylone antique en Assyrie. Au XVIIe siècle encore, chez nous, les mages incarnaient une sagesse exotique pressentant l'avènement d'une religion nouvelle : " Qu'était-ce que les mages dont nous honorons la mémoire ? C'étaient les sages de la gentilité ", dit le prédicateur Bourdaloue dans les Mystères de l'Épiphanie. Le mage qui était dépourvu de savoir était un charlatan.
Ensuite le mot "mage" a fait place au mot "magicien". Cependant Corneille encore 1 écrit : " Ce mage qui d'un mot renverse la nature / N'a choisi pour palais que cette grotte obscure. "
Les mots "sorcellerie" (mot fabriqué sur l'ancien verbe "sorceler", et anciennement "sorcerie"), et "sorcier" viennent du bas-latin sortiarius, issu lui-même de sors, sortis. Le sorcier est celui qui jette un sort ou qui dit le sort. Contrairement au mot "magicien", le mot "sorcier" a toujours une connotation péjorative. Le sorcier, en effet, ne possède pas une science comme le magicien, il dispose seulement de recettes et la sorcière est l'opposé de la bonne fée. Sorcier et sorcière passent pour avoir fait un pacte avec le diable ou les dieux infernaux pour opérer des maléfices ; ils vont aussi, dit-on, à des assemblées nocturnes appelées "sabbats" ; mais ce dernier détail ne concerne pas l'époque antique.
En parlant de magie ou de sorcellerie (les deux concepts, au total, interfèrent), nous laisserons de côté les phénomènes de possession ou d'extase qui relèvent du chamanisme (phénomène religieux de Sibérie et d'Asie cntrale). Des personnages comme Cassandre, d'une part, Oreste et Héraklès dans leur crise de folie d'autre part, pourraient être considérés comme des "chamans".
Chez les Grecs,
trois mots appartiennent au vocabulaire de la magie : magos (mageia), goès et pharmakos (pharmakeus), mais ces mots ne sont apparus que tardivement (fin du 6e siècle avant J.-C.)
Le terme magos (qui a entraîné le dérivé mageia) est emprunté à une tribu mède dont le nom signifie "les grands". Ces mages sont des prêtres qui accomplissent des sacrifices, pratiquent la divination et savent interpréter les songes. Chez les Grecs le magos est une sorte de prêtre itinérant, un expert polyvalent. Le goès (-ètos) est une espèce d' "enchanteur", qui procède par incantations et vaticinations (cf. le verbe goaô-ô = pousser des lamentations). Très vite, dès le 5ème siècle, le terme magos prend une connotation péjorative 2 , c'est-à-dire qu'il ne se distingue plus guère du goès. Tous les deux sont l'objet de la même réprobation. Enfin le terme pharmakeus (pharmakos), apparenté à pharmakon, le remède ou le poison végétal, d'où le sens de "breuvage magique", désigne en général l'empoisonneur.
À Rome,
les mots magus/magicus et magia apparaissent tardivement (1er siècle av. J.-C.). Ces termes sont bien évidemment empruntés au grec. On trouve le terme magus pour désigner un spécialiste de la religion perse chez Catulle et la première occurrence de l'adjectif magicus apparaît chez Virgile. Mais toutes les citations de ces mots font partie de l'évocation des rites grecs, non des habitudes romaines.
Pourtant la magie en tant que telle, existe bel et bien. Elle agit par carmina (bona et mala). Le rituel est donc chanté ; les gestes magiques pour guérir un membre fracturé, par exemple, (deux moitiés de roseau que l'on rapproche) s'accompagne de chants (Caton, De agricultura). Pour nous ce rituel s'apparente à la magie, mais les Romains ne raisonnent pas de la même façon : ces gestes ne relèvent pas de la magie mais de la médecine. La magie véritable se définit par une intention malveillante et non par des formes rituelles spécifiques. La preuve en est que les termes uenenum (breuvage magique, philtre), ueneficium (empoisonnement) et ueneficus (empoisonneur) ne prirent que tardivement des sens maléfiques.
Enfin il faut signaler que la figure du magos ou goès itinérant est inconnue des Romains. Les prêtres itinérants existent mais ne pratiquent pas la divination. On se méfie de l'haruspice ou du devin chaldéen, mais c'est uniquement pour éviter de se faire soutirer de l'argent inutilement... Sous l'Empire tout change : la magie devient envahissante en accaparant les procédés de la médecine, en s'appropriant la fonction de la "religio"et en annexant aussi l'astrologie. Nous en avons un témoignage capital par Pline l'ancien (Pline, Histoire naturelle).
Il s'est donc produit à Rome une évolution en deux temps : sous la République, il existe des pratiques qui s'attaquent à l'intégrité des personnes ou de leur propriété (ueneficium, malum carmen) mais ces pratiques ne sont pas considérées comme de la magie et sous l'Empire le terme magia combine médecine (qui guérit), astrologie et divination. L'élite romaine, hellénisée, s'est emparée du terme grec qu'elle associe à ueneficium (maléfice).
Reste, pour terminer, à préciser en quoi la magie et la sorcellerie se distinguent de la religion, d'une part, des cultes à mystères d'autre part. Quelle que soit l'étymologie du mot religion (à rattacher au verbe latin ligare = "lier", selon Lactance et Tertullien, ou à legere = "recueillir, ramener à soi, reconnaître", selon Cicéron), la religion met l'accent sur l'importance d'un rituel fixé et reconnu par les traditions et les décisions de la cité, la magie sur des pratiques et des procédés plus ou moins fantaisistes, dépendant d'un individu et destinés au "vécu" d'un individu. La religion agit au grand jour, la magie, dans l'univers du secret ; la religion implique la toute-puissance des dieux qu'elle laisse, par conséquent, libres d'agir car ils savent, mieux que les hommes, ce qui est bon pour eux ; la magie, la sorcellerie prétendent persuader les dieux, voire leur commander (parfois avec menaces) d'intervenir pour la réalisation de desseins personnels. On a même pu dire que le monde de la magie était la cité à l'envers, parce que les marginaux de la société antique (les femmes et les esclaves) y règnent, alors que dans la religion officielle ce sont le prêtre, le roi qui agissent au nom de la cité.
Enfin, quelle différence entre magie, sorcellerie et les cultes à mystères, comme ceux d'Éleusis, ou l'orphisme, toutes doctrines secrètes ? Leur point commun c'est d'abord la nécessité d'une initiation, ensuite le but visé, qui est un résultat, un aboutissement. Mais le sorcier qui pratique la magie demande un résultat immédiat (reviennent sans cesse dans les formules d'incantation ou d'imprécation les mots "vite, vite, très vite") ; le participant aux mystères, le myste, se plie à une ascèse et à un rituel qui dure plusieurs jours ; l'orphisme sait que l'aboutissement, c'est-à-dire la quête de la félicité, est fort long et peut exiger plusieurs vies. Mais magie, mystères et orphisme visent tous les trois un accomplissement individuel, une libération personnelle.
Guig- Magistrats
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- Message n°6
Re: Quelque idées générale des classes
les papyrus
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Ils viennent tous de l'Égypte gréco-romaine ; peut-être en a-t-il existé ailleurs, mais seuls ont été conservés ceux d'Égypte grâce à l'extrême sécheresse des environs de la vallée du Nil.
La plupart s'échelonnent du 2ème siècle av. J.-C. au 5ème ap. J.-C. Ils sont écrits en écriture hiéroglyphique ou en copte (langue des chrétiens d'Égypte). Beaucoup ont été détruits volontairement par les Éphésiens, sur les exhortations de l'apôtre Paul et deux mille rouleaux magiques auraient subi le même sort en l'an 13 ap. J.-C. (Suétone, Vies des douze Césars) À l'époque chrétienne, la destruction des textes de magie s'aggrava encore.
Ces papyrus magiques nous sont évidemment parvenus dans un état de délabrement assez grand. De plus, au cours des siècles de leur transmission, ils subirent des adjonctions et modifications variées. D'autre part, ils présentent des difficultés de compréhension dues au caractère composite des croyances dont ils font état et aussi à la quantité de signes incompréhensibles ou de mots dépourvus de sens apparent. Le caractère ésotérique de la magie antique, à laquelle on n'avait accès qu'après des rites d'initiation, exigeait ces formules toutes faites et secrètes qui se transmettaient à l'intérieur de cercles fermés.
Tous ces textes sur papyrus sont imprégnés d'éléments égyptiens, certes, mais aussi d'éléments grecs, juifs, assyriens, babyloniens. Ainsi Moïse, pour avoir longtemps vécu en Égypte, a été communément considéré comme un magicien. Pline l'Ancien affirme même que Moïse avait fondé sa propre école de magie. Cette notion, doit, en fait, remonter à un chapitre de l'Exode où l'on voit Moïse et Aron affronter les mages égyptiens (Exode).
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Ils viennent tous de l'Égypte gréco-romaine ; peut-être en a-t-il existé ailleurs, mais seuls ont été conservés ceux d'Égypte grâce à l'extrême sécheresse des environs de la vallée du Nil.
La plupart s'échelonnent du 2ème siècle av. J.-C. au 5ème ap. J.-C. Ils sont écrits en écriture hiéroglyphique ou en copte (langue des chrétiens d'Égypte). Beaucoup ont été détruits volontairement par les Éphésiens, sur les exhortations de l'apôtre Paul et deux mille rouleaux magiques auraient subi le même sort en l'an 13 ap. J.-C. (Suétone, Vies des douze Césars) À l'époque chrétienne, la destruction des textes de magie s'aggrava encore.
Ces papyrus magiques nous sont évidemment parvenus dans un état de délabrement assez grand. De plus, au cours des siècles de leur transmission, ils subirent des adjonctions et modifications variées. D'autre part, ils présentent des difficultés de compréhension dues au caractère composite des croyances dont ils font état et aussi à la quantité de signes incompréhensibles ou de mots dépourvus de sens apparent. Le caractère ésotérique de la magie antique, à laquelle on n'avait accès qu'après des rites d'initiation, exigeait ces formules toutes faites et secrètes qui se transmettaient à l'intérieur de cercles fermés.
Tous ces textes sur papyrus sont imprégnés d'éléments égyptiens, certes, mais aussi d'éléments grecs, juifs, assyriens, babyloniens. Ainsi Moïse, pour avoir longtemps vécu en Égypte, a été communément considéré comme un magicien. Pline l'Ancien affirme même que Moïse avait fondé sa propre école de magie. Cette notion, doit, en fait, remonter à un chapitre de l'Exode où l'on voit Moïse et Aron affronter les mages égyptiens (Exode).
Guig- Magistrats
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- Message n°7
Re: Quelque idées générale des classes
les tablettes magiques
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Elles sont extrêmement nombreuses et, pour leur très grande majorité, constituées de minces lamelles rectangulaires de plomb. Ces lamelles sont enroulées ou pliées et fixées par un ou plusieurs clous. Ces clous servaient non seulement à clore la tablette mais aussi à affirmer la volonté énergique du rédacteur à l'égard du destinataire qu'il voulait assujettir. Le terme grec pour ces tablettes est katadesmos (= ligature), le terme latin, defixio.
Le choix du plomb (métal malléable facile à graver et indestructible) est symbolique : il traduit, lui aussi, la volonté de plier l'autre à sa résolution et d'indiquer que cette volonté ne renoncera jamais.
La maladresse des inscriptions et des tracés prouve que ces tablettes étaient rédigées par tout un chacun, et souvent à la sauvette. De même, le caractère stéréotypé des formules, accompagnant une langue vulgaire remplie d'injures, traduit une tradition orale. Ces tablettes ont été étudiées sérieusement depuis la fin du XIXe siècle et au XXe. Certains sites, comme Sélinonte en Sicile, l'Attique en Grèce et le site de Kourion à Chypre se sont révélés particulièrement riches en documents de cette sorte.
Il existe aussi quelques tablettes d'or, fines feuilles de métal sur lesquelles sont inscrits des textes dits "orphiques". Mais l'orphisme procède d'un système cohérent de pensée qui ne ressortit pas, à proprement parler, de la magie.
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Elles sont extrêmement nombreuses et, pour leur très grande majorité, constituées de minces lamelles rectangulaires de plomb. Ces lamelles sont enroulées ou pliées et fixées par un ou plusieurs clous. Ces clous servaient non seulement à clore la tablette mais aussi à affirmer la volonté énergique du rédacteur à l'égard du destinataire qu'il voulait assujettir. Le terme grec pour ces tablettes est katadesmos (= ligature), le terme latin, defixio.
Le choix du plomb (métal malléable facile à graver et indestructible) est symbolique : il traduit, lui aussi, la volonté de plier l'autre à sa résolution et d'indiquer que cette volonté ne renoncera jamais.
La maladresse des inscriptions et des tracés prouve que ces tablettes étaient rédigées par tout un chacun, et souvent à la sauvette. De même, le caractère stéréotypé des formules, accompagnant une langue vulgaire remplie d'injures, traduit une tradition orale. Ces tablettes ont été étudiées sérieusement depuis la fin du XIXe siècle et au XXe. Certains sites, comme Sélinonte en Sicile, l'Attique en Grèce et le site de Kourion à Chypre se sont révélés particulièrement riches en documents de cette sorte.
Il existe aussi quelques tablettes d'or, fines feuilles de métal sur lesquelles sont inscrits des textes dits "orphiques". Mais l'orphisme procède d'un système cohérent de pensée qui ne ressortit pas, à proprement parler, de la magie.
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
Les amulettes
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Un certain nombre de textes magiques figurent sur des pierres, plus ou moins précieuses, des bijoux, etc. Ces pierres passaient pour avoir des vertus spéciales, médicales ou magiques. Elles pouvaient porter des inscriptions et des figures mystérieuses. Le nom même de talisman (objet qui dispose de pouvoirs magiques), venu de l'arabe, est issu du grec telesma qui signifie "rite religieux". Quant au mot "amulette", venu du latin amuletum, il désigne un objet qui protège. Le grec a d'ailleurs, pour cet objet, le mot phulakterion ( = phylactère) du verbe phulattein (= "garder"). Ces pierres gravées constituent le plus souvent des images de dévotion, mais elles portent parfois une formule magique qui précise l'intention cachée de l'objet.
Ces trois types de documents, papyrus, tablettes et amulettes, montrent les influences qui se sont exercées pour constituer les croyances et les rites adoptés par les Grecs. Il apparaît, dans les papyrus surtout, un incroyable mélange de ces croyances et de ces rites. Ainsi le dieu Theuth, inventeur légendaire de l'écriture, (Platon, Phèdre) est un dieu égyptien à qui on attribua par la suite l'invention de la magie, de l'astronomie, de l'astrologie, etc. En revanche, des noms de dieux grecs s'appliquent à des divinités égyptiennes : Zeus représente Amon, Apollon, Horus etc. Le judaïsme aussi a introduit ses noms dans ces formules magiques : on rencontre ainsi souvent le nom d'Adonaï (= " Seigneur " dans l'Ancien Testament).
Telles sont les sources dont nous disposons pour nous faire une idée des pratiques de magie et de sorcellerie par les individus. À côté de ces documents, des textes littéraires nous parlent des mages itinérants (et mendiants) qui venaient solliciter les riches et leur promettre de les guérir par des procédés magiques, essentiellement des incantations, des évocations ou des figurines d'envoûtement.
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Un certain nombre de textes magiques figurent sur des pierres, plus ou moins précieuses, des bijoux, etc. Ces pierres passaient pour avoir des vertus spéciales, médicales ou magiques. Elles pouvaient porter des inscriptions et des figures mystérieuses. Le nom même de talisman (objet qui dispose de pouvoirs magiques), venu de l'arabe, est issu du grec telesma qui signifie "rite religieux". Quant au mot "amulette", venu du latin amuletum, il désigne un objet qui protège. Le grec a d'ailleurs, pour cet objet, le mot phulakterion ( = phylactère) du verbe phulattein (= "garder"). Ces pierres gravées constituent le plus souvent des images de dévotion, mais elles portent parfois une formule magique qui précise l'intention cachée de l'objet.
Ces trois types de documents, papyrus, tablettes et amulettes, montrent les influences qui se sont exercées pour constituer les croyances et les rites adoptés par les Grecs. Il apparaît, dans les papyrus surtout, un incroyable mélange de ces croyances et de ces rites. Ainsi le dieu Theuth, inventeur légendaire de l'écriture, (Platon, Phèdre) est un dieu égyptien à qui on attribua par la suite l'invention de la magie, de l'astronomie, de l'astrologie, etc. En revanche, des noms de dieux grecs s'appliquent à des divinités égyptiennes : Zeus représente Amon, Apollon, Horus etc. Le judaïsme aussi a introduit ses noms dans ces formules magiques : on rencontre ainsi souvent le nom d'Adonaï (= " Seigneur " dans l'Ancien Testament).
Telles sont les sources dont nous disposons pour nous faire une idée des pratiques de magie et de sorcellerie par les individus. À côté de ces documents, des textes littéraires nous parlent des mages itinérants (et mendiants) qui venaient solliciter les riches et leur promettre de les guérir par des procédés magiques, essentiellement des incantations, des évocations ou des figurines d'envoûtement.
Guig- Magistrats
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- Message n°9
Re: Quelque idées générale des classes
les magiciens
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Qui sont les magiciens qui commandent au rituel ? Ils ont dû subir une longue initiation intellectuelle aussi bien que rituelle. On songe à Pythagore dont on raconte qu'il aurait vécu un certain temps dans une chambre souterraine pour en revenir comme s'il revenait du monde des morts où il avait été informé de tout ce qui se passait. La rencontre avec un être surhumain sous la terre procure un savoir supérieur (Lucien, Philopseudès).
Mais le magicien a pu être initié directement par un dieu : ainsi Aphrodite a enseigné à Jason des incantations érotiques et l'usage de l'"iynx", instrument magique pour cette sorte d'incantation. Les magiciens grecs se définissent donc comme des hommes ayant des relations spéciales avec les dieux.
Plus tard, les néo-platoniciens recherchent le contact direct avec la divinité par l'extase et s'arrogent des pouvoirs surhumains. Tel l'énigmatique Apollonius de Tyane qui aurait été initié directement par Asklepios d'Aigaï en Cilicie et aurait accompli un certain nombre de miracles, selon Philostrate qui nous a raconté sa Vie.
La magie emprunte donc différents chemins pour se donner des pouvoirs surnaturels. Le plus efficace semble être de connaître le nom caché d'une divinité supérieure. Mais c'est là un thème qu'on rencontre assez fréquemment chez les gnostiques ce qui nous éloigne de la magie proprement dite.
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Qui sont les magiciens qui commandent au rituel ? Ils ont dû subir une longue initiation intellectuelle aussi bien que rituelle. On songe à Pythagore dont on raconte qu'il aurait vécu un certain temps dans une chambre souterraine pour en revenir comme s'il revenait du monde des morts où il avait été informé de tout ce qui se passait. La rencontre avec un être surhumain sous la terre procure un savoir supérieur (Lucien, Philopseudès).
Mais le magicien a pu être initié directement par un dieu : ainsi Aphrodite a enseigné à Jason des incantations érotiques et l'usage de l'"iynx", instrument magique pour cette sorte d'incantation. Les magiciens grecs se définissent donc comme des hommes ayant des relations spéciales avec les dieux.
Plus tard, les néo-platoniciens recherchent le contact direct avec la divinité par l'extase et s'arrogent des pouvoirs surhumains. Tel l'énigmatique Apollonius de Tyane qui aurait été initié directement par Asklepios d'Aigaï en Cilicie et aurait accompli un certain nombre de miracles, selon Philostrate qui nous a raconté sa Vie.
La magie emprunte donc différents chemins pour se donner des pouvoirs surnaturels. Le plus efficace semble être de connaître le nom caché d'une divinité supérieure. Mais c'est là un thème qu'on rencontre assez fréquemment chez les gnostiques ce qui nous éloigne de la magie proprement dite.
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
L'initiation
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Dans les cultes extatiques, les mystères, celui qui voulait devenir initié avait pour but final l'expérience du divin ; dans la magie l'initié poursuit non un but désintéressé mais pratique. La plupart des textes des papyrus semblent destinés à un individu qui en fera usage pour ses seuls buts personnels. D'autre part, dans les cultes à mystères une seule initiation suffit pour transformer un individu ordinaire et l'intégrer au groupe des mystes (= initiés). Dans la magie, au contraire, outre un rituel de départ qui transforme un laïc en magicien, on trouve toute une gamme de rituels qui donnent à un magicien des pouvoirs encore supérieurs. Le plus important consiste à s'acquérir un parèdre, un assistant surhumain, voire divin, qui lui permettra d'exercer la divination et l'envoi de rêves (Papyrus Grecs Magiques).
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Dans les cultes extatiques, les mystères, celui qui voulait devenir initié avait pour but final l'expérience du divin ; dans la magie l'initié poursuit non un but désintéressé mais pratique. La plupart des textes des papyrus semblent destinés à un individu qui en fera usage pour ses seuls buts personnels. D'autre part, dans les cultes à mystères une seule initiation suffit pour transformer un individu ordinaire et l'intégrer au groupe des mystes (= initiés). Dans la magie, au contraire, outre un rituel de départ qui transforme un laïc en magicien, on trouve toute une gamme de rituels qui donnent à un magicien des pouvoirs encore supérieurs. Le plus important consiste à s'acquérir un parèdre, un assistant surhumain, voire divin, qui lui permettra d'exercer la divination et l'envoi de rêves (Papyrus Grecs Magiques).
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
Deuotio et defixio
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La deuotio est à rattacher au verbe "dévouer", au sens ancien du terme en français, venu du latin (verbe deuouere) et qui signifie vouer quelqu'un à une divinité, à une puissance surnaturelle. On "dévouait" ainsi à Rome aux dieux infernaux quiconque passait le Rubicon. Le particulier qui veut agir contre un adversaire conclut avec les divinités souterraines une sorte de pacte : il leur donne son adversaire (c'est-à-dire, en fait, sa vie toute entière, ou certaines de ses fonctions vitales) et prie alors ces divinités d'accomplir ce qu'il ne peut faire lui-même.
La defixio désigne le procédé par lequel on exécute la deuotio. Il s'agit donc d'un rite d'envoûtement. Comme nous l'avons dit plus haut dans l'introduction, l'instrument en est le plus souvent des tablettes de plomb, roulées ou pliées et percées d'un ou plusieurs clous. Il faut rattacher ce mot au verbe latin defigere (= ficher, clouer). En terme de magie "defigere" c'est "percer l'image de quelqu'un", d'où l'envoûter. Le clou n'a pas seulement pour rôle (cf. Introduction) de clore la tablette mais d'affirmer la force de la volonté du rédacteur sur le destinataire qu'il veut, en quelque sorte, assujettir (Ovide, Amours). La différence avec le katadesmos (= ligature) grec est que l'envoûtement, ici, se fait par un lien (du verbe deisthaï) vers le bas (sens du préfixe kata-) ; de "lier vers le bas", on passe aisément au sens d'"immobiliser" mais le mot latin defixio s'est très vite employé aussi pour les envoûtements grecs.
La defixio s'emploie dans différentes circonstances dont nous ne citerons que les plus courantes : faire perdre son adversaire dans un concours athlétique ou un procès susciter l'amour chez une personne aimée ou la détacher d'un autre attaquer les calomniateurs ou les voleurs. Ces défixions sont souvent accompagnées du nom d'une divinité à qui l'on "confie" l'adversaire visé. Assez souvent on trouve une grande liste de dieux avec leurs qualificatifs ; ces listes sont d'ailleurs tout à fait hétéroclites : dans les dieux du panthéon grec habituel se trouve mêlé très souvent le nom d'Adonaï, terme hébreu par lequel on désigne le Seigneur. Les divinités en question sont, en majorité, les dieux d'en bas, du centre de la terre : renversement du culte civique quotidien adressé aux dieux d'en haut. Ce renversement est d'ailleurs une des caractéristiques des actes de magie.
Les premières défixions citées, appelées défixions judiciaires, sont très nombreuses à Athènes vers le Ve-IVe siècles. Les malédictions de ces tablettes souhaitent souvent le mutisme chez l'adversaire (Defixiones tabellæ) : priver de logos un Grec est certes la pire des calamités ! Mais on peut souhaiter aussi à un adversaire en justice une bonne et définitive maladie (Papyrus grecs magiques).
Dans les défixions qui concernent les amants ou amantes on assiste à de rageuses malédictions, qui visent les différentes parties du corps qui servent à se séduire, s'étreindre ou faire l'amour. Ces malédictions ont pour but de séparer des êtres unis par un amour illégal ou immoral. Évidemment les souhaits de mort abondent dans ces malédictions remplies de haine (Defixiones tabellæ).
La tablette de plomb qui porte ces défixions peut être accompagnée d'une figurine de cire, de terre ou de plomb dans laquelle on a enfoncé aiguilles ou clous pour rendre malade ou impuissant, pour tuer ou pour rendre amoureux. Beaucoup de ces figurines, notamment celles trouvées à Délos, ont été volontairement mutilées. Il y a même une sorte de rituel dans la fabrication de ces figurines (Papyrus grecs magiques). On peut aussi se servir d'autres objets que des figurines, par exemple des objets ayant appartenu à la personne visée et que l'on détruit (Virgile, Énéide). Il en est resté, même jusque dans les temps modernes, l'habitude d'écraser coquilles d'escargots ou d'oeufs pour éviter qu'on ne s'en serve à des fins maléfiques ...
Papyrus ou tablettes présentent, dans le corps de l'inscription, des mots magiques (sans aucune signification) disposés en carrés ou en triangles isocèles (pointe tournée vers le bas puisqu'on demande l'aide des divinités souterraines), ou constituant le karkinos (= "crabe" qui marche à reculons) c'est-à-dire un vers rétrograde ou palindrome.
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La deuotio est à rattacher au verbe "dévouer", au sens ancien du terme en français, venu du latin (verbe deuouere) et qui signifie vouer quelqu'un à une divinité, à une puissance surnaturelle. On "dévouait" ainsi à Rome aux dieux infernaux quiconque passait le Rubicon. Le particulier qui veut agir contre un adversaire conclut avec les divinités souterraines une sorte de pacte : il leur donne son adversaire (c'est-à-dire, en fait, sa vie toute entière, ou certaines de ses fonctions vitales) et prie alors ces divinités d'accomplir ce qu'il ne peut faire lui-même.
La defixio désigne le procédé par lequel on exécute la deuotio. Il s'agit donc d'un rite d'envoûtement. Comme nous l'avons dit plus haut dans l'introduction, l'instrument en est le plus souvent des tablettes de plomb, roulées ou pliées et percées d'un ou plusieurs clous. Il faut rattacher ce mot au verbe latin defigere (= ficher, clouer). En terme de magie "defigere" c'est "percer l'image de quelqu'un", d'où l'envoûter. Le clou n'a pas seulement pour rôle (cf. Introduction) de clore la tablette mais d'affirmer la force de la volonté du rédacteur sur le destinataire qu'il veut, en quelque sorte, assujettir (Ovide, Amours). La différence avec le katadesmos (= ligature) grec est que l'envoûtement, ici, se fait par un lien (du verbe deisthaï) vers le bas (sens du préfixe kata-) ; de "lier vers le bas", on passe aisément au sens d'"immobiliser" mais le mot latin defixio s'est très vite employé aussi pour les envoûtements grecs.
La defixio s'emploie dans différentes circonstances dont nous ne citerons que les plus courantes : faire perdre son adversaire dans un concours athlétique ou un procès susciter l'amour chez une personne aimée ou la détacher d'un autre attaquer les calomniateurs ou les voleurs. Ces défixions sont souvent accompagnées du nom d'une divinité à qui l'on "confie" l'adversaire visé. Assez souvent on trouve une grande liste de dieux avec leurs qualificatifs ; ces listes sont d'ailleurs tout à fait hétéroclites : dans les dieux du panthéon grec habituel se trouve mêlé très souvent le nom d'Adonaï, terme hébreu par lequel on désigne le Seigneur. Les divinités en question sont, en majorité, les dieux d'en bas, du centre de la terre : renversement du culte civique quotidien adressé aux dieux d'en haut. Ce renversement est d'ailleurs une des caractéristiques des actes de magie.
Les premières défixions citées, appelées défixions judiciaires, sont très nombreuses à Athènes vers le Ve-IVe siècles. Les malédictions de ces tablettes souhaitent souvent le mutisme chez l'adversaire (Defixiones tabellæ) : priver de logos un Grec est certes la pire des calamités ! Mais on peut souhaiter aussi à un adversaire en justice une bonne et définitive maladie (Papyrus grecs magiques).
Dans les défixions qui concernent les amants ou amantes on assiste à de rageuses malédictions, qui visent les différentes parties du corps qui servent à se séduire, s'étreindre ou faire l'amour. Ces malédictions ont pour but de séparer des êtres unis par un amour illégal ou immoral. Évidemment les souhaits de mort abondent dans ces malédictions remplies de haine (Defixiones tabellæ).
La tablette de plomb qui porte ces défixions peut être accompagnée d'une figurine de cire, de terre ou de plomb dans laquelle on a enfoncé aiguilles ou clous pour rendre malade ou impuissant, pour tuer ou pour rendre amoureux. Beaucoup de ces figurines, notamment celles trouvées à Délos, ont été volontairement mutilées. Il y a même une sorte de rituel dans la fabrication de ces figurines (Papyrus grecs magiques). On peut aussi se servir d'autres objets que des figurines, par exemple des objets ayant appartenu à la personne visée et que l'on détruit (Virgile, Énéide). Il en est resté, même jusque dans les temps modernes, l'habitude d'écraser coquilles d'escargots ou d'oeufs pour éviter qu'on ne s'en serve à des fins maléfiques ...
Papyrus ou tablettes présentent, dans le corps de l'inscription, des mots magiques (sans aucune signification) disposés en carrés ou en triangles isocèles (pointe tournée vers le bas puisqu'on demande l'aide des divinités souterraines), ou constituant le karkinos (= "crabe" qui marche à reculons) c'est-à-dire un vers rétrograde ou palindrome.
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
Évocation et incantation
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Le terme grec épagôgè est à rattacher au verbe épagô qui signifie "amener vers / conduire contre" (ce sont les deux sens du préfixe épi- ). Il s'agit donc, dans le premier cas, de réussir à se concilier une puissance infernale, dans le second cas de se défendre contre un ennemi. Quand il s'agit d'un ennemi officiel, on recourt à la religion officielle pour prononcer une imprécation (ara) contre les sacrilèges (Eschine, Contre Ctésiphon) ; rien de magique alors. En revanche, dans le domaine privé, l'évocation a lieu dans l'ombre et le secret : c'est un appel personnel à l'aide de divinités hétéroclites et infernales. Le solliciteur demande et sa demande peut être accompagnée de menaces à être pénétré de la vertu divine pour obtenir le résultat qu'il désire (Papyrus grecs magiques).
Le terme grec épôidè (carmen en latin) est évidemment en rapport avec le verbe aidô (= je chante) et le terme ôidè (= le chant) ; ce dernier mot est en rapport avec la voix humaine (audè), distinct de phônè qui désigne n'importe quel langage ou cri. Le préfixe épi- souligne (cf. Chantraine, Dictionnaire étymologique) la valeur magique du chant.
En général le charme agit de façon positive, consolatrice entre autres : l'incantation constitue un enchantement dû à la parole, de préférence scandée en vers, donc susceptible d'être chantée ; on reconnaît là le goût des Grecs pour la musique et le pouvoir qu'ils lui attribuaient en lui donnant une grande part dans l'éducation de leurs enfants. Dans les chants magiques, l'exacte prononciation des noms propres, l'intonation, la bonne articulation dans la succession de syllabes étranges sont indispensables à l'efficacité de la formule. C'est pourquoi, pour aider la mémoire, les prières magiques sont souvent rédigées en hexamètres dactyliques (plus ou moins exacts) (Papyrus grecs magiques).
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Le terme grec épagôgè est à rattacher au verbe épagô qui signifie "amener vers / conduire contre" (ce sont les deux sens du préfixe épi- ). Il s'agit donc, dans le premier cas, de réussir à se concilier une puissance infernale, dans le second cas de se défendre contre un ennemi. Quand il s'agit d'un ennemi officiel, on recourt à la religion officielle pour prononcer une imprécation (ara) contre les sacrilèges (Eschine, Contre Ctésiphon) ; rien de magique alors. En revanche, dans le domaine privé, l'évocation a lieu dans l'ombre et le secret : c'est un appel personnel à l'aide de divinités hétéroclites et infernales. Le solliciteur demande et sa demande peut être accompagnée de menaces à être pénétré de la vertu divine pour obtenir le résultat qu'il désire (Papyrus grecs magiques).
Le terme grec épôidè (carmen en latin) est évidemment en rapport avec le verbe aidô (= je chante) et le terme ôidè (= le chant) ; ce dernier mot est en rapport avec la voix humaine (audè), distinct de phônè qui désigne n'importe quel langage ou cri. Le préfixe épi- souligne (cf. Chantraine, Dictionnaire étymologique) la valeur magique du chant.
En général le charme agit de façon positive, consolatrice entre autres : l'incantation constitue un enchantement dû à la parole, de préférence scandée en vers, donc susceptible d'être chantée ; on reconnaît là le goût des Grecs pour la musique et le pouvoir qu'ils lui attribuaient en lui donnant une grande part dans l'éducation de leurs enfants. Dans les chants magiques, l'exacte prononciation des noms propres, l'intonation, la bonne articulation dans la succession de syllabes étranges sont indispensables à l'efficacité de la formule. C'est pourquoi, pour aider la mémoire, les prières magiques sont souvent rédigées en hexamètres dactyliques (plus ou moins exacts) (Papyrus grecs magiques).
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
Nécromancie ou évocation des morts.
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Il faut donner une place particulière à ce genre d'évocation et, d'abord, ne jamais oublier la place que tenaient les morts parmi les vivants : vivants et morts entretiennent une familiarité permanente ainsi qu'un dialogue constant. Les tombeaux sont l'objet d'une protection sacrée de la part de nombreux dieux et déesses, particulièrement d'Hécate. Or celle-ci est par excellence la déesse de la magie et de la sorcellerie (cf. infra).
On conçoit donc que le monde des sorciers soit en contacts étroits avec le monde des morts. S'il s'agit d'un décès prématuré, d'un accident (le plus souvent une noyade) ou d'un meurtre, leur désespoir de n'avoir pu accomplir une vie complète peut les faire devenir malfaisants envers les vivants : par exemple la victime d'un meurtre peut poursuivre son meurtrier (Platon, Lois, Horace, Épodes). Il faut donc multiplier les sacrifices pour les apaiser. D'autre part ils se laissent facilement mobiliser par les moyens de la sorcellerie et de la magie pour intervenir auprès des divinités infernales et servir les desseins des vivants : ce sera là une façon de rester encore actifs, et d'accélérer, par exemple, la punition d'un méchant sans attendre, comme on le voit dans le mythe d'Er l'Arménien au livre X de La République de Platon le châtiment aux Enfers...
Les morts sont donc considérés comme des esprits magiques, ce qui explique que les opérations de sorcellerie se déroulent le plus souvent près des tombeaux, dans les cimetières (Horace, Épodes). Une parcelle du cadavre (os, cheveu), un objet lui ayant appartenu, un peu de terre de la tombe suffisent à "prendre possession" du mort, qui sera contraint de laisser son fantôme agir dans le sens qu'on lui aura indiqué. Parfois même c'est un cadavre que l'on ressuscite pour le faire parler (Héliodore, Théagène et Chariclée).
De toute façon, les morts peuvent souvent donner aux vivants de bons conseils : il suffit d'aller les consulter... C'est même l'objet propre de la nécromancie qu'il ne faut pas confondre avec une descente aux Enfers, telle qu'on la voit dans l'Énéide de Virgile (livre VI) ou dans la Divine Comédie de Dante. Les rites qui précèdent cette évocation sont extrêmement précis : offrande de libations (vin, eau, miel, lait ou huile), d'animaux choisis, destinés aux dieux infernaux (Eschyle, Les Perses). Rarement l'évocation exige un sacrifice humain ; il faut tout de même signaler celui de Polyxène, fille de Priam et d'Hécube, pour attirer l'aide du fantôme d'Achille (Euripide, Hécube). Après ces préliminaires, on peut demander conseil aux morts pour connaître l'avenir ; c'est ce qui se passe dans la Nékuia au chant XI de l'Odyssée (Homère,Odyssée) ou dans Les Perses, la pièce d'Eschyle ; ou leur demander une vengeance : c'est le cas d'Électre (Eschyle, Les Choéphores). Mais, dans tous les cas, il faut noter le caractère secret, quasi clandestin, de la procédure et, d'autre part, le but poursuivi : il s'agit de maîtriser l'avenir.
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Il faut donner une place particulière à ce genre d'évocation et, d'abord, ne jamais oublier la place que tenaient les morts parmi les vivants : vivants et morts entretiennent une familiarité permanente ainsi qu'un dialogue constant. Les tombeaux sont l'objet d'une protection sacrée de la part de nombreux dieux et déesses, particulièrement d'Hécate. Or celle-ci est par excellence la déesse de la magie et de la sorcellerie (cf. infra).
On conçoit donc que le monde des sorciers soit en contacts étroits avec le monde des morts. S'il s'agit d'un décès prématuré, d'un accident (le plus souvent une noyade) ou d'un meurtre, leur désespoir de n'avoir pu accomplir une vie complète peut les faire devenir malfaisants envers les vivants : par exemple la victime d'un meurtre peut poursuivre son meurtrier (Platon, Lois, Horace, Épodes). Il faut donc multiplier les sacrifices pour les apaiser. D'autre part ils se laissent facilement mobiliser par les moyens de la sorcellerie et de la magie pour intervenir auprès des divinités infernales et servir les desseins des vivants : ce sera là une façon de rester encore actifs, et d'accélérer, par exemple, la punition d'un méchant sans attendre, comme on le voit dans le mythe d'Er l'Arménien au livre X de La République de Platon le châtiment aux Enfers...
Les morts sont donc considérés comme des esprits magiques, ce qui explique que les opérations de sorcellerie se déroulent le plus souvent près des tombeaux, dans les cimetières (Horace, Épodes). Une parcelle du cadavre (os, cheveu), un objet lui ayant appartenu, un peu de terre de la tombe suffisent à "prendre possession" du mort, qui sera contraint de laisser son fantôme agir dans le sens qu'on lui aura indiqué. Parfois même c'est un cadavre que l'on ressuscite pour le faire parler (Héliodore, Théagène et Chariclée).
De toute façon, les morts peuvent souvent donner aux vivants de bons conseils : il suffit d'aller les consulter... C'est même l'objet propre de la nécromancie qu'il ne faut pas confondre avec une descente aux Enfers, telle qu'on la voit dans l'Énéide de Virgile (livre VI) ou dans la Divine Comédie de Dante. Les rites qui précèdent cette évocation sont extrêmement précis : offrande de libations (vin, eau, miel, lait ou huile), d'animaux choisis, destinés aux dieux infernaux (Eschyle, Les Perses). Rarement l'évocation exige un sacrifice humain ; il faut tout de même signaler celui de Polyxène, fille de Priam et d'Hécube, pour attirer l'aide du fantôme d'Achille (Euripide, Hécube). Après ces préliminaires, on peut demander conseil aux morts pour connaître l'avenir ; c'est ce qui se passe dans la Nékuia au chant XI de l'Odyssée (Homère,Odyssée) ou dans Les Perses, la pièce d'Eschyle ; ou leur demander une vengeance : c'est le cas d'Électre (Eschyle, Les Choéphores). Mais, dans tous les cas, il faut noter le caractère secret, quasi clandestin, de la procédure et, d'autre part, le but poursuivi : il s'agit de maîtriser l'avenir.
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
Charmes et envoûtements
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Contrairement à l'invocation dont on a parlé plus haut, il s'agit ici d'incantations et de pratiques à effet négatif, de véritables envoûtements. Le magicien implore tel ou tel démon dans tel ou tel cimetière particulier pour lui permettre d'accomplir son désir. Cette invocation est suivie d'une prière finale (exaïtèsis) au soleil pour qu'il contraigne le démon à obéir. On a observé que, contrairement aux hommes pieux qui invoquent le soleil quand il se lève, le sorcier, lui, l'invoque quand il se couche (et va alors rejoindre le monde infernal).
Les envoûtements de la magie érotique ont pour but d'installer la mésentente dans un couple pour écarter un rival, soit le mari soit un autre amant. Ces imprécations orales accompagnent des figurines mutilées (voir "Défixion") et des textes écrits : on a pu dire que ces textes écrits pérennisent ce qu'a prononcé la voix. Les envoûtements ainsi produits peuvent s'accompagner et s'aider de pharmaka, substances variées qui peuvent parfois en d'autres circonstances apporter un soulagement 3 mais qui peuvent aussi avoir des effets maléfiques (ils deviennent des philtres) : pensons aux pharmaka dont Médée enduit la robe de Glaukè, la fiancée de Jason, ou à ceux qui, enduisant la tunique de Nessus, provoquent les souffrances et la mort d'Héraklès ; dans le premier cas, il s'agit d'éliminer une rivale, dans le second, de retrouver l'amour d'un homme. La Grèce archaïque, d'après ces deux exemples, connaissait donc la magie érotique, mais il faut remarquer que ceux qui l'exerçaient n'étaient pas des sorciers de profession.
À partir du Ve siècle les envoûtements vont se "banaliser" dans la vie de tous les jours. Toutes ces cérémonies secrètes, inquiétantes et nocturnes se placent le plus souvent sous la protection d'Hécate, patronne par excellence, comme nous l'avons signalé plus haut, de la magie et de la sorcellerie, la déesse archère, "qui tire au loin (ou : "de loin") ses flèches", choisissant librement sa cible, flèches imbibées éventuellement d'un poison créateur de maladie, ou flèches de mort ; l'arc (en grec : toxon, d'où le mot français "toxique") n'est pleinement efficace que si la flèche est empoisonnée (pensons, entre autres, à l'arc de Philoctète) ; or, exercer la magie c'est, précisément, agir à distance.
La pratique de l'envoûtement va durer jusqu'à l'époque des empereurs romains : à cette époque ce n'est plus seulement dans le domaine érotique mais aussi dans le domaine politique (Tacite, Annales) ou professionnel (par exemple les courses de chevaux) qu'il s'exerce.
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Contrairement à l'invocation dont on a parlé plus haut, il s'agit ici d'incantations et de pratiques à effet négatif, de véritables envoûtements. Le magicien implore tel ou tel démon dans tel ou tel cimetière particulier pour lui permettre d'accomplir son désir. Cette invocation est suivie d'une prière finale (exaïtèsis) au soleil pour qu'il contraigne le démon à obéir. On a observé que, contrairement aux hommes pieux qui invoquent le soleil quand il se lève, le sorcier, lui, l'invoque quand il se couche (et va alors rejoindre le monde infernal).
Les envoûtements de la magie érotique ont pour but d'installer la mésentente dans un couple pour écarter un rival, soit le mari soit un autre amant. Ces imprécations orales accompagnent des figurines mutilées (voir "Défixion") et des textes écrits : on a pu dire que ces textes écrits pérennisent ce qu'a prononcé la voix. Les envoûtements ainsi produits peuvent s'accompagner et s'aider de pharmaka, substances variées qui peuvent parfois en d'autres circonstances apporter un soulagement 3 mais qui peuvent aussi avoir des effets maléfiques (ils deviennent des philtres) : pensons aux pharmaka dont Médée enduit la robe de Glaukè, la fiancée de Jason, ou à ceux qui, enduisant la tunique de Nessus, provoquent les souffrances et la mort d'Héraklès ; dans le premier cas, il s'agit d'éliminer une rivale, dans le second, de retrouver l'amour d'un homme. La Grèce archaïque, d'après ces deux exemples, connaissait donc la magie érotique, mais il faut remarquer que ceux qui l'exerçaient n'étaient pas des sorciers de profession.
À partir du Ve siècle les envoûtements vont se "banaliser" dans la vie de tous les jours. Toutes ces cérémonies secrètes, inquiétantes et nocturnes se placent le plus souvent sous la protection d'Hécate, patronne par excellence, comme nous l'avons signalé plus haut, de la magie et de la sorcellerie, la déesse archère, "qui tire au loin (ou : "de loin") ses flèches", choisissant librement sa cible, flèches imbibées éventuellement d'un poison créateur de maladie, ou flèches de mort ; l'arc (en grec : toxon, d'où le mot français "toxique") n'est pleinement efficace que si la flèche est empoisonnée (pensons, entre autres, à l'arc de Philoctète) ; or, exercer la magie c'est, précisément, agir à distance.
La pratique de l'envoûtement va durer jusqu'à l'époque des empereurs romains : à cette époque ce n'est plus seulement dans le domaine érotique mais aussi dans le domaine politique (Tacite, Annales) ou professionnel (par exemple les courses de chevaux) qu'il s'exerce.
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Re: Quelque idées générale des classes
Les contremesures
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Elles consistent essentiellement en amulettes ou talismans (cf., dans l'Introduction, le paragraphe consacré aux "sources"). Comment pouvait-on annuler l'effet d'une "défixion"? Nous n'avons guère de renseignements sur ce point. Peut-être en essayant de détruire la tablette ; en tout cas, on pouvait se protéger avec, outre les pierres gravées qui constituaient les amulettes différents objets prophylactiques : l'oeil (contre le "mauvais oeil", la baskania), la tête de Méduse et le phallus. Les Hermès ithyphalliques protégeaient maisons et carrefours, d'où l'émotion des Athéniens quand, à la veille de l'expédition en Sicile, en -415, on les retrouva presque tous mutilés. La tête de Méduse, dont le regard pétrifiait, ornait le centre des boucliers ou les cuirasses ; du sang de Méduse, décapitée par Persée, était né, dit la légende, le corail ; ce qui explique l'emploi, encore actuel dans le bassin méditerranéen, de colliers ou de phallus en corail pour se protéger du mauvais sort.
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Elles consistent essentiellement en amulettes ou talismans (cf., dans l'Introduction, le paragraphe consacré aux "sources"). Comment pouvait-on annuler l'effet d'une "défixion"? Nous n'avons guère de renseignements sur ce point. Peut-être en essayant de détruire la tablette ; en tout cas, on pouvait se protéger avec, outre les pierres gravées qui constituaient les amulettes différents objets prophylactiques : l'oeil (contre le "mauvais oeil", la baskania), la tête de Méduse et le phallus. Les Hermès ithyphalliques protégeaient maisons et carrefours, d'où l'émotion des Athéniens quand, à la veille de l'expédition en Sicile, en -415, on les retrouva presque tous mutilés. La tête de Méduse, dont le regard pétrifiait, ornait le centre des boucliers ou les cuirasses ; du sang de Méduse, décapitée par Persée, était né, dit la légende, le corail ; ce qui explique l'emploi, encore actuel dans le bassin méditerranéen, de colliers ou de phallus en corail pour se protéger du mauvais sort.
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
Transformation en animaux
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Parmi les plus anciens mythes qui se rattachent à la magie figure celui du loup garou : il s'agit d'un être malfaisant qui a le pouvoir de se transformer en loup la nuit et de reprendre sa forme humaine le jour. Ce mythe semble remonter à l'histoire du roi arcadien Lycaon. Celui-ci reçut un jour Zeus venu lui demander l'hospitalité. Pour s'assurer que son hôte était réellement dieu il lui servit la chair d'un enfant. Zeus, de colère, le transforma en loup (Ovide, Métamorphoses). À noter d'ailleurs que le nom même de ce roi est apparenté au terme grec qui désigne le loup (lukos).
Il faut rapprocher de cet épisode les sacrifices humains qu'on offrait à Zeus lycien (en grec : lukaïos) en Arcadie. Les assistants dévoraient les entrailles de la victime et se trouvaient transformés en loups. Ils conservaient cette forme pendant huit ans et reprenaient alors forme humaine, à condition de n'avoir pas mangé de chair humaine pendant ce temps. On peut donc conclure que qui mange de l'homme devient loup.
Mais il s'agit là de punition plus que de magie.
En revanche la magie peut servir à se transformer ou à transformer d'autres êtres en loups, en s'accompagnant d'un certain rituel : c'est ce que nous révèlent quelques textes, comme un texte d'Hérodote (Hérodote, Histoires) ou un texte de Virgile (Virgile, Bucoliques).
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Parmi les plus anciens mythes qui se rattachent à la magie figure celui du loup garou : il s'agit d'un être malfaisant qui a le pouvoir de se transformer en loup la nuit et de reprendre sa forme humaine le jour. Ce mythe semble remonter à l'histoire du roi arcadien Lycaon. Celui-ci reçut un jour Zeus venu lui demander l'hospitalité. Pour s'assurer que son hôte était réellement dieu il lui servit la chair d'un enfant. Zeus, de colère, le transforma en loup (Ovide, Métamorphoses). À noter d'ailleurs que le nom même de ce roi est apparenté au terme grec qui désigne le loup (lukos).
Il faut rapprocher de cet épisode les sacrifices humains qu'on offrait à Zeus lycien (en grec : lukaïos) en Arcadie. Les assistants dévoraient les entrailles de la victime et se trouvaient transformés en loups. Ils conservaient cette forme pendant huit ans et reprenaient alors forme humaine, à condition de n'avoir pas mangé de chair humaine pendant ce temps. On peut donc conclure que qui mange de l'homme devient loup.
Mais il s'agit là de punition plus que de magie.
En revanche la magie peut servir à se transformer ou à transformer d'autres êtres en loups, en s'accompagnant d'un certain rituel : c'est ce que nous révèlent quelques textes, comme un texte d'Hérodote (Hérodote, Histoires) ou un texte de Virgile (Virgile, Bucoliques).
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
les pratiques de la magie dans la littérature grecque
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Avant d'aborder les grandes figures mythologiques connues, comme Circé ou Médée qui donneront naissance, chez les auteurs grecs et latins, à un motif bien récurrent par la suite , celui de la sorcière, il faut remarquer qu'alors que les découvertes archéologiques nous montrent les défixions, incantations, charmes et envoûtements surtout utilisés par les hommes, c'est la figure de la sorcière (et non du sorcier !) qui a traversé les siècles. Mettons à part le cas de Protée qui a des dons de transformation mais tout personnels, uniquement pour échapper à ceux qui veulent solliciter ses dons de prophétie.
Dans la littérature archaïque une remarque s'impose : les poèmes homériques ignorent ce qu'on appellera plus tard la magie ; ils sont en revanche remplis de merveilleux et d'"enchantements" : les dieux apparaissent dans le monde des hommes et s'en retirent, parfois sous forme animale (oiseau, vautour, mouette, etc.). Héphaïstos, le dieu forgeron, crée par son art des trépieds qui se déplacent tout seuls et a forgé, pour son service personnel deux servantes en or qui agissent comme des êtres vivants. À plusieurs reprises les dieux, dans l'Iliade, sauvent leurs protégés en les entourant d'un brouillard qui les rend invisibles : c'est ainsi qu'Aphrodite soustrait Pâris aux coups de Ménélas ; dans l'Odyssée Athéna permet de la même façon à Ulysse de traverser la ville des Phéaciens jusqu'au palais d'Alkinoos sans être vu. Hermès possède une sorte de baguette (rhabdos) avec laquelle il peut endormir ou réveiller les hommes et il donne à Ulysse une plante magique pour contrecarrer les enchantements de Circè. Aphrodite, encore elle, porte sur elle un ruban qui renferme toutes les sortes de "charmes" et c'est pourquoi Héra le lui demande lorsqu'elle veut séduire Zeus (Homère, Iliade).
Après ces quelques exemples une autre remarque s'impose également : dans les poèmes homériques seuls les dieux possèdent ces pouvoirs d'enchanteurs ; aucun être humain ne possède ces pouvoirs comme si Homère voulait cantonner les êtres humains dans la réalité. De plus, même si les procédés signalés plus haut ont les traits de ce qui caractérisera plus tard la magie, il faut noter que ces procédés agissent en général dans un but positif, favorable, non pour faire du mal.
Apparemment ce n'est pas le cas de Circé, la "trompeuse Kirké d'Aïaïè". Rappelons les faits : Ulysse et ses compagnons arrivent dans l'île où habite la très belle ("aux belles boucles") déesse. De loin se voit la fumée d'un foyer et Ulysse, toujours curieux (parfois à ses dépens : pensons au Cyclope) envoie ses compagnons vers cette demeure. Ils y sont très bien reçus et Circé leur offre une sorte de bouillie accompagnée de vin, dans laquelle elle introduit des "pharmaka" funestes. Puis elle les frappe de sa baguette magique et les voilà transformés en pourceaux (Homère, Odyssée). Circé est récidiviste : elle n'est entourée, chez elle, que d'animaux sauvages (lions, loups) qui sont d'anciens hôtes qu'elle a ainsi transformés. Averti de la mésaventure par le seul des hommes qui, méfiant, n'est pas entré chez la déesse, Ulysse part pour délivrer ses compagnons. En chemin il rencontre Hermès qui lui donne de bons conseils pour résister aux charmes de Circé et le munit d'une bonne drogue ("pharmakon" : nous avons vu les deux sens du mot, "remède" et "poison"), d'un contrepoison en somme (Homère, Odyssée). On a beaucoup disserté sur la nature de ce "môlu", cette plante qui se trouve miraculeusement devant les pieds du dieu et qu'Hermès réussit à arracher (les forces humaines y seraient impuissantes car la plante a une racine de quatre doigts de long nous dit un commentateur antique). Ulysse suit les conseils d'Hermès ; mais, curieusement, le texte ne dit ensuite rien sur la vertu du "môlu" ni sur l'usage qu'en fait Ulysse. Est-ce pour nous montrer que tout ceci est fantaisiste et qu'Homère fait preuve ici d'humour comme on l'a suggéré ? nous ne trancherons pas ici la question. En tout cas, Ulysse mange la bouillie et, dès que Circé le frappe de sa baguette, suivant les conseils d'Hermès, il se précipite vers la déesse, épée en main, comme pour la tuer. Aussitôt elle cède et invite Ulysse à partager son lit. Ensuite Ulysse reste chez Circé une année entière sans plus songer au retour ; ce sont ses compagnons (dont il a obtenu le retour à la forme humaine) qui lui rappellent qu'il doit rentrer à Ithaque.
Curieuse magicienne, en vérité, cette Circé ! L'effet principal de sa magie ( et c'est un effet vraiment magique) est d'avoir fait oublier à Ulysse Ithaque, Pénélope, son épouse chérie, et son fils Télémaque alors qu'il y songe sans cesse, y compris pendant les sept ans qu'il passe chez Calypso (cf. Odyssée, chant V). Et pourquoi Athéna, sa protectrice habituelle, n'intervient-elle pas ? L'action de Circè ne s'arrête pas là : elle indique à Ulysse la route jusqu'à l'endroit où il pourra entrer en communication avec les morts (sujet de la Nékuia, chant XI). Après cette consultation Ulysse revient (cas unique dans l'Odyssée) chez Circé, qui lui enseigne alors la route du retour tout en lui signalant les dangers qui l'attendent : Sirènes, Charybde et Scylla, l'île des boeufs du Soleil. Au total aucun rite magique (sauf celui du début à l'égard des compagnons d'Ulysse), aucune nuit ténébreuse au cours de laquelle la "sorcière" invoque une puissance occulte afin de lui imposer de réaliser ses désirs.
Une explication a été donnée : Circé attend depuis longtemps l'homme "rebelle aux enchantements" dont on lui avait annoncé la venue. Elle a su le reconnaître, lui faire oublier son retour et lui procurer une année de bonheur complet : n'est-ce pas là un bon "tour de magie" à l'égard d'Ulysse "aux mille ruses" ?
Nous laisserons de côté Calypso, bien qu'elle ait plusieurs points communs avec Circé : même environnement (une demeure isolée dans une nature sauvage), même voix harmonieuse, même habileté dans l'art de tisser ; comme Circé elle sait préparer des breuvages, sinon magiques, du moins surnaturels : elle sait mélanger l'ambroisie avec le nectar, boisson des dieux) ; elle promet sans cesse à Ulysse de le rendre immortel et jeune à jamais mais sa proposition est toujours refusée par Ulysse car ses "douceurs amoureuses" ne font jamais oublier au héros le désir de retrouver Ithaque et Pénélope.
En Médée, au contraire, nous avons affaire à une véritable magicienne, même si le personnage est ambigu, comme nous le verrons. C'est la nièce de Circé, soeur d'Aiétès, roi de Colchide, lequel est le père de Médée. Son regard, comme celui de Circé, est extrêmement brillant, rappelant l'éclat du Soleil, son aïeul.
Contrairement à Circé, elle est d'abord protectrice des étrangers qui abordent en son pays. C'est ainsi qu'elle accueille les Argonautes et guérit leurs blessures lorsqu'ils combattent contre les Colchidiens ; c'est alors une jeune fille qui, tombée amoureuse du chef des Argonautes, Jason, a le coeur tourmenté et déchiré entre sa passion et son devoir filial (Aiétès a imposé des conditions effroyables pour conquérir la Toison d'or). Très vite la magicienne qu'elle est, en bonne disciple d'Hécate, experte en herbes magiques, l'emporte, d'autant que Jason répond à son amour et lui propose le mariage (bien qu'il soit déjà marié !) Elle lui donne les herbes qui lui permettent d'affronter les taureaux d'airain (Pindare, Pythiques et Ovide, Métamorphoses) et de labourer avec eux, puis de tuer le dragon qui garde la Toison d'or (Ovide, Métamorphoses). Sur la prière de Jason, elle rajeunit, dans une séance spécifiquement magique (Ovide, Métamorphoses), le père de Jason, Éson. Mais voici que, toujours par amour pour Jason, elle utilise ses talents pour commettre des actes criminels : elle fait périr l'oncle de Jason, Pélias, qui ne voulait pas lui rendre le royaume d'Iolcos, par la main de ses propres filles, qu'elle a abusées par un tour magique (Ovide, Métamorphoses). Après ce meurtre, Jason est exilé et Médée le suit dans son exil à Corinthe, accompagnée des enfants qu'elle a eus de lui ; au bout de quelques années, elle est trahie par son mari qui veut épouser Glaukè, la fille du roi de Corinthe, Créon, et la faire exiler avec ses enfants (ou elle seule, selon les différentes versions de cet épisode). Médée réagit d'abord en femme (Ovide, Héroïdes), essaie de reconquérir son époux, mais peine perdue. Avant de partir en exil, Médée a donc, une fois encore, recours à ses pratiques magiques ( Sénèque, Médée) : elle fait porter par ses enfants à la jeune princesse une couronne d'or et un vêtement empoisonné qui la consument ainsi que son père (Euripide, Médée) ; selon une autre version, elle met le feu au palais royal, incendie dans lequel périssent Créon et sa fille. Elle tue ensuite ses enfants et s'envole sur un char traîné par des dragons ailés, chez Égée, roi d'Athènes, auquel elle a offert un remède contre la stérilité dont il souffre. Elle s'unit à lui et en a un fils, Médios. Elle essaie, mais en vain, (sa ruse est déjouée à la dernière minute) de faire périr Thésée venu se faire reconnaître par son père (Ovide, Métamorphoses) et, bannie d'Athènes, retourne en Asie. On ne sait rien de sa fin ; certaines légendes rapportent qu'elle fut transportée dans les Champs Élysées.
Médée est donc représentée comme une errante, une étrangère, vouée à des changements continuels de résidence. Cette "barbare" (au sens grec du mot) a retenu les secrets des pharmaka : elle peut donc blesser mais aussi guérir, tuer ou sauver. Elle se déchaîne avec la violence d'une sorcière mais se montre une mère aimante (Euripide, Médée). C'est toute l'ambiguïté de ce personnage attachant.
Les pharmaka de Circé avaient transformé les hommes en animaux ; d'autres pharmaka guérissaient les blessures des héros et des dieux ; ce pouvoir ambigu, qui participe donc de la magie, avait été utilisé par Médée pour sauver Jason puis pour perdre sa jeune épouse Glaukè ; une autre mortelle, l'innocente Déjanire, va, mais cette fois à son insu, avoir recours, elle aussi, à un procédé magique.
Rappelons brièvement les faits : cette princesse étolienne était l'épouse d'Héraklès qui, au cours d'une lutte acharnée, l'avait conquise sur son prétendant, le dieu-fleuve Achéloos. Un jour, en quittant Calydon, ville d'Étolie où ils résidaient, les époux durent franchir une rivière en crue ; Héraklès pouvait franchir la rivière mais non Déjanire ; il confie donc son épouse au centaure Nessos, qui servait de passeur ; mais pendant qu'il portait la jeune femme, le centaure essaya de la ravir et de la violer. Aux cris de son épouse, Héraklès se retourna et perça le centaure d'une flèche mortelle. Avant de mourir Nessos confia un "philtre d'amour" à Déjanire pour garder la fidélité de son époux. Quelques années plus tard Héraklès, ayant vaincu Eurytos, roi d'Oechalie, emmena sa fille, Iole, comme captive et la prit pour concubine. Ayant appris par un compagnon d'Héraklès son infortune, Déjanire, jalouse, se souvint du présent de Nessos ; pour retrouver l'amour de son époux, elle teignit une tunique avec le prétendu philtre d'amour et l'envoya à Héraklès (Sophocle, Les Trachiniennes). Celui-ci voulait offrir un sacrifice à Zeus pour le remercier de sa victoire ; il revêtit la tunique neuve envoyée par sa femme et aussitôt, au contact de la chaleur de son corps, la tunique imprégnée du poison se mit à le brûler terriblement. Malgré tous ses efforts Héraklès ne put se débarrasser de la tunique fatale.(Ovide, Métamorphoses et Sophocle, Les Trachiniennes)). Alors il gravit le mont Oeta et il y dressa un bûcher sur lequel il monta et il périt ainsi dans les flammes .
Il s'agit donc encore là d'un exemple de magie érotique.
Cependant le texte littéraire qui fournit le document le plus complet sur les rites de la magie amoureuse est un texte de Théocrite, Les magiciennes (Idylles, II). Dans ce poème une jeune femme, de condition modeste, semble-t-il, Simaitha, essaye de reconquérir l'amour du beau Delphis dont on lui a révélé l'infidélité. Elle est aidée, dans la succession de ses opérations magiques, par sa servante Thestylis.
On retrouve dans ce poème tous les ingrédients de la defixio érotique, mais utilisés de façon incohérente : tantôt il s'agit de faire revenir l'amant tout brûlant de passion et d'amour, tantôt de le faire disparaître, de le dissoudre, de l'anéantir totalement. Cette incohérence peut s'expliquer par la passion toute charnelle de Simaitha, passion qui l'a ravagée, la brûle encore et lui inspire les élans contradictoires du désir et de la vengeance. On pourra, en conclusion, proposer une autre explication.
Conformément à l'habitude, les rites magiques sont accompagnés, au long du poème, d'incantations aux divinités aimées des sorcières : Artémis-Hécate évidemment, Séléné (la lune, complice des sorcières) et Aphrodite. (Théocrite, Idylles II)
Simaitha prépare d'abord ses philtra (à noter la parenté de ce mot avec le verbe philein = aimer) destinés à lier ; elle fait brûler de l'orge, habituellement utilisé dans les sacrifices, des feuilles de laurier, du son ; puis elle fait fondre de la cire (peut-être une figurine de cire) et elle fait tourner le rhombe (sorte de toupie de magicien), toutes pratiques habituelles de la magie érotique ; ensuite elle accomplit trois libations (chiffre rituel) (Théocrite, Idylles, II) ; elle prépare enfin une sorte de décoction, un breuvage magique composé de différents ingrédients dont des plantes aphrodisiaques (Théocrite, Idylles, II). Tous ces rites sont accompagnés d'une sorte de refrain, de litanie, qui se répète neuf fois et qui est destinée à ramener l'amant perdu chez l'amante délaissée : "Iynx, attire vers ma demeure cet homme, mon amant". On s'est interrogé sur la nature de cet "iynx". Primitivement c'est le nom d'une nymphe, fille d'Écho, qui, au moyen de ses philtres avait rendu Zeus amoureux d'Io ou d'elle-même ; pour se venger, Héra l'avait transformée en un oiseau, le torcol ; celui-ci, attaché sur une roue, servait à des opérations de magie amoureuse; puis le terme a désigné la roue elle-même, sorte de disque dont le tournoiement accompagnait les invocations (comme le faisait le rhombe). Dans ce poème, ce refrain, répété tous les quatre vers, fait participer le lecteur (ou l'auditeur), comme on l'a remarqué, à l'action et l'envoûtement magiques.
Ce rituel Simaitha l'accomplit en toute connaissance de cause ; elle n'est pas une sorcière professionnelle, mais elle connaît bien ces rites, d'abord pour avoir consulté au début de sa passion des sorcières puis elle les a appris "d'un étranger d'Assyrie" nous dit-elle. On s'est appuyé sur cette expression pour affirmer que ce texte illustre ne représentait pas une réalité grecque car il mêlait des rites différents et qui n'auraient aucune efficacité si on les appliquait ensemble : incohérence de cette série de rites, destinés, les uns, à faire revenir l'amant, à lui inspirer à nouveau de la passion pour l'amante, et les autres, à l'anéantir physiquement. Théocrite ne nous fournirait donc pas un document sur la pratique de la magie à son époque, l'époque hellénistique (IIIe s. av. J.-C.), mais un tableau évocateur susceptible d'éveiller des associations d'idées liées à la magie. La présence d'un instrument comme l'iynx, qui ne figure dans aucun document archéologique, renforcerait cette opinion. Pour le public cultivé et éclairé de l'époque, ce genre de texte constituerait un divertissement esthétique. Déjà, dans un document antérieur (Xénophon, Mémorables) les termes habituels du vocabulaire de la magie semblent représenter un sujet de plaisanterie littéraire. En tout cas, s'il n'est pas un document à proprement parler sur la pratique de la magie dans la Grèce du IIIe siècle, l'expression de la passion et de la jalousie, dans la deuxième partie du poème, représente un des sommets de la poésie lyrique.
Tous les exemples précédents nous montrent donc des femmes qui se livrent à des pratiques de sorcellerie. Or, la grande majorité des documents archéologiques dont nous avons parlé dans l'introduction nous montrent, eux, des hommes essayant, par des pratiques magiques variées, d'attirer, de posséder une victime féminine. On peut alors s'interroger sur les raisons qui ont incité les écrivains à ce renversement de situation. Dans la réalité quotidienne les hommes veulent généralement s'assurer la possession d'une femme en vue d'améliorer leur statut social : il était difficile, en effet, pour un homme qui n'était pas du même rang, d'obtenir une jeune fille de bonne famille ; les défixions et les incantations magiques pouvaient, pensait-on, y aider. Mais, d'un autre côté, ce recours à la magie devait être secret car ce comportement était en totale opposition avec l'image que la société donnait de l'homme, image de guerrier viril. Il en allait de même pour l'amour fou qu'un homme pouvait ressentir pour une femme, passion qui l'égarait au point d'avoir recours à la magie. Il y avait donc un décalage entre la réalité (où le recours à la magie semblait indispensable) et le système de représentations mentales de la société dans laquelle on vivait. Ce qui expliquerait que les écrivains ne parlent que de sorcières : les femmes, marginalisées dans les sociétés antiques, représenteraient un danger pour l'homme et son autonomie.
Néanmoins nous rencontrons dans la littérature grecque des exemples d'hommes qui ont recours à la magie ; à l'origine, Ulysse pratique l'évocation des morts dans la Nekuia (Odyssée, XI), mais n'oublions pas qu'il accomplit tous ses gestes d'après les indications d'une femme (même si elle est déesse), de Circé.
Beaucoup plus tard, nous retrouvons les mêmes rites chez Lucien qui se met en scène lui-même en quête d'une descente aux Enfers (et non d'une évocation des morts). Le récit de Lucien (Ménippe ou la Nékyomancie) est bien évidemment une parodie de la Nékuia, mais les rites sont les mêmes : purification, invocations, incantations, sacrifice d'animaux (Lucien, Ménippe).
Plus nettement critique est l'ouvrage du même Lucien intitulé Alexandre ou le faux prophète. Dans sa jeunesse, cet Alexandre (qui a véritablement existé) avait subi l'ascendant d'un sorcier ; devenu à son tour habile sorcier lui-même (Lucien, Alexandre) il se présentait comme un magicien, donnait des réponses oraculaires à des questions remises sous plis cachetés (Lucien, Alexandre). Mais tout, dans l'ouvrage, nous renvoie à une critique de ce qu'on appellerait aujourd'hui une secte et cherche à mettre en valeur la supériorité d'une doctrine philosophique, l'épicurisme (Lucien, Alexandre).
En conclusion, quelles réactions la magie et ses pratiques ont-elles inspirées aux penseurs grecs ? Il nous faut attendre le IVème siècle pour les constater. À cette époque le culte d'Asklépios et les guérisons magiques se multiplient (on a même pu dire qu'Épidaure était devenu "une sorte de Lourdes de l'Antiquité") Le médecin Hippocrate (-460-380) connaît sans aucun doute les pratiques des sorciers puisqu'il les raille dans leurs prétentions de guérir les malades (Hippocrate, Sur la maladie sacrée) ; à la même époque Platon (-428-347), dans plusieurs textes, a évoqué la magie et la sorcellerie. Si, dans l'éducation, il voit un caractère positif à l'utilisation des sortilèges pour entraîner les futurs gardiens à y résister plus tard, sa méfiance à l'égard de la magie l'emporte le plus souvent. Il stigmatise les prêtres itinérants et mendiants, les devins (Platon, République) et condamne violemment les enchanteurs de toutes sortes, les sorciers qui prétendent dicter aux dieux des ordres : la magie est une tromperie et une impiété ; il faut donc punir avec la plus grande sévérité quiconque a recours à ces pratiques (Platon, Lois).
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Avant d'aborder les grandes figures mythologiques connues, comme Circé ou Médée qui donneront naissance, chez les auteurs grecs et latins, à un motif bien récurrent par la suite , celui de la sorcière, il faut remarquer qu'alors que les découvertes archéologiques nous montrent les défixions, incantations, charmes et envoûtements surtout utilisés par les hommes, c'est la figure de la sorcière (et non du sorcier !) qui a traversé les siècles. Mettons à part le cas de Protée qui a des dons de transformation mais tout personnels, uniquement pour échapper à ceux qui veulent solliciter ses dons de prophétie.
Dans la littérature archaïque une remarque s'impose : les poèmes homériques ignorent ce qu'on appellera plus tard la magie ; ils sont en revanche remplis de merveilleux et d'"enchantements" : les dieux apparaissent dans le monde des hommes et s'en retirent, parfois sous forme animale (oiseau, vautour, mouette, etc.). Héphaïstos, le dieu forgeron, crée par son art des trépieds qui se déplacent tout seuls et a forgé, pour son service personnel deux servantes en or qui agissent comme des êtres vivants. À plusieurs reprises les dieux, dans l'Iliade, sauvent leurs protégés en les entourant d'un brouillard qui les rend invisibles : c'est ainsi qu'Aphrodite soustrait Pâris aux coups de Ménélas ; dans l'Odyssée Athéna permet de la même façon à Ulysse de traverser la ville des Phéaciens jusqu'au palais d'Alkinoos sans être vu. Hermès possède une sorte de baguette (rhabdos) avec laquelle il peut endormir ou réveiller les hommes et il donne à Ulysse une plante magique pour contrecarrer les enchantements de Circè. Aphrodite, encore elle, porte sur elle un ruban qui renferme toutes les sortes de "charmes" et c'est pourquoi Héra le lui demande lorsqu'elle veut séduire Zeus (Homère, Iliade).
Après ces quelques exemples une autre remarque s'impose également : dans les poèmes homériques seuls les dieux possèdent ces pouvoirs d'enchanteurs ; aucun être humain ne possède ces pouvoirs comme si Homère voulait cantonner les êtres humains dans la réalité. De plus, même si les procédés signalés plus haut ont les traits de ce qui caractérisera plus tard la magie, il faut noter que ces procédés agissent en général dans un but positif, favorable, non pour faire du mal.
Apparemment ce n'est pas le cas de Circé, la "trompeuse Kirké d'Aïaïè". Rappelons les faits : Ulysse et ses compagnons arrivent dans l'île où habite la très belle ("aux belles boucles") déesse. De loin se voit la fumée d'un foyer et Ulysse, toujours curieux (parfois à ses dépens : pensons au Cyclope) envoie ses compagnons vers cette demeure. Ils y sont très bien reçus et Circé leur offre une sorte de bouillie accompagnée de vin, dans laquelle elle introduit des "pharmaka" funestes. Puis elle les frappe de sa baguette magique et les voilà transformés en pourceaux (Homère, Odyssée). Circé est récidiviste : elle n'est entourée, chez elle, que d'animaux sauvages (lions, loups) qui sont d'anciens hôtes qu'elle a ainsi transformés. Averti de la mésaventure par le seul des hommes qui, méfiant, n'est pas entré chez la déesse, Ulysse part pour délivrer ses compagnons. En chemin il rencontre Hermès qui lui donne de bons conseils pour résister aux charmes de Circé et le munit d'une bonne drogue ("pharmakon" : nous avons vu les deux sens du mot, "remède" et "poison"), d'un contrepoison en somme (Homère, Odyssée). On a beaucoup disserté sur la nature de ce "môlu", cette plante qui se trouve miraculeusement devant les pieds du dieu et qu'Hermès réussit à arracher (les forces humaines y seraient impuissantes car la plante a une racine de quatre doigts de long nous dit un commentateur antique). Ulysse suit les conseils d'Hermès ; mais, curieusement, le texte ne dit ensuite rien sur la vertu du "môlu" ni sur l'usage qu'en fait Ulysse. Est-ce pour nous montrer que tout ceci est fantaisiste et qu'Homère fait preuve ici d'humour comme on l'a suggéré ? nous ne trancherons pas ici la question. En tout cas, Ulysse mange la bouillie et, dès que Circé le frappe de sa baguette, suivant les conseils d'Hermès, il se précipite vers la déesse, épée en main, comme pour la tuer. Aussitôt elle cède et invite Ulysse à partager son lit. Ensuite Ulysse reste chez Circé une année entière sans plus songer au retour ; ce sont ses compagnons (dont il a obtenu le retour à la forme humaine) qui lui rappellent qu'il doit rentrer à Ithaque.
Curieuse magicienne, en vérité, cette Circé ! L'effet principal de sa magie ( et c'est un effet vraiment magique) est d'avoir fait oublier à Ulysse Ithaque, Pénélope, son épouse chérie, et son fils Télémaque alors qu'il y songe sans cesse, y compris pendant les sept ans qu'il passe chez Calypso (cf. Odyssée, chant V). Et pourquoi Athéna, sa protectrice habituelle, n'intervient-elle pas ? L'action de Circè ne s'arrête pas là : elle indique à Ulysse la route jusqu'à l'endroit où il pourra entrer en communication avec les morts (sujet de la Nékuia, chant XI). Après cette consultation Ulysse revient (cas unique dans l'Odyssée) chez Circé, qui lui enseigne alors la route du retour tout en lui signalant les dangers qui l'attendent : Sirènes, Charybde et Scylla, l'île des boeufs du Soleil. Au total aucun rite magique (sauf celui du début à l'égard des compagnons d'Ulysse), aucune nuit ténébreuse au cours de laquelle la "sorcière" invoque une puissance occulte afin de lui imposer de réaliser ses désirs.
Une explication a été donnée : Circé attend depuis longtemps l'homme "rebelle aux enchantements" dont on lui avait annoncé la venue. Elle a su le reconnaître, lui faire oublier son retour et lui procurer une année de bonheur complet : n'est-ce pas là un bon "tour de magie" à l'égard d'Ulysse "aux mille ruses" ?
Nous laisserons de côté Calypso, bien qu'elle ait plusieurs points communs avec Circé : même environnement (une demeure isolée dans une nature sauvage), même voix harmonieuse, même habileté dans l'art de tisser ; comme Circé elle sait préparer des breuvages, sinon magiques, du moins surnaturels : elle sait mélanger l'ambroisie avec le nectar, boisson des dieux) ; elle promet sans cesse à Ulysse de le rendre immortel et jeune à jamais mais sa proposition est toujours refusée par Ulysse car ses "douceurs amoureuses" ne font jamais oublier au héros le désir de retrouver Ithaque et Pénélope.
En Médée, au contraire, nous avons affaire à une véritable magicienne, même si le personnage est ambigu, comme nous le verrons. C'est la nièce de Circé, soeur d'Aiétès, roi de Colchide, lequel est le père de Médée. Son regard, comme celui de Circé, est extrêmement brillant, rappelant l'éclat du Soleil, son aïeul.
Contrairement à Circé, elle est d'abord protectrice des étrangers qui abordent en son pays. C'est ainsi qu'elle accueille les Argonautes et guérit leurs blessures lorsqu'ils combattent contre les Colchidiens ; c'est alors une jeune fille qui, tombée amoureuse du chef des Argonautes, Jason, a le coeur tourmenté et déchiré entre sa passion et son devoir filial (Aiétès a imposé des conditions effroyables pour conquérir la Toison d'or). Très vite la magicienne qu'elle est, en bonne disciple d'Hécate, experte en herbes magiques, l'emporte, d'autant que Jason répond à son amour et lui propose le mariage (bien qu'il soit déjà marié !) Elle lui donne les herbes qui lui permettent d'affronter les taureaux d'airain (Pindare, Pythiques et Ovide, Métamorphoses) et de labourer avec eux, puis de tuer le dragon qui garde la Toison d'or (Ovide, Métamorphoses). Sur la prière de Jason, elle rajeunit, dans une séance spécifiquement magique (Ovide, Métamorphoses), le père de Jason, Éson. Mais voici que, toujours par amour pour Jason, elle utilise ses talents pour commettre des actes criminels : elle fait périr l'oncle de Jason, Pélias, qui ne voulait pas lui rendre le royaume d'Iolcos, par la main de ses propres filles, qu'elle a abusées par un tour magique (Ovide, Métamorphoses). Après ce meurtre, Jason est exilé et Médée le suit dans son exil à Corinthe, accompagnée des enfants qu'elle a eus de lui ; au bout de quelques années, elle est trahie par son mari qui veut épouser Glaukè, la fille du roi de Corinthe, Créon, et la faire exiler avec ses enfants (ou elle seule, selon les différentes versions de cet épisode). Médée réagit d'abord en femme (Ovide, Héroïdes), essaie de reconquérir son époux, mais peine perdue. Avant de partir en exil, Médée a donc, une fois encore, recours à ses pratiques magiques ( Sénèque, Médée) : elle fait porter par ses enfants à la jeune princesse une couronne d'or et un vêtement empoisonné qui la consument ainsi que son père (Euripide, Médée) ; selon une autre version, elle met le feu au palais royal, incendie dans lequel périssent Créon et sa fille. Elle tue ensuite ses enfants et s'envole sur un char traîné par des dragons ailés, chez Égée, roi d'Athènes, auquel elle a offert un remède contre la stérilité dont il souffre. Elle s'unit à lui et en a un fils, Médios. Elle essaie, mais en vain, (sa ruse est déjouée à la dernière minute) de faire périr Thésée venu se faire reconnaître par son père (Ovide, Métamorphoses) et, bannie d'Athènes, retourne en Asie. On ne sait rien de sa fin ; certaines légendes rapportent qu'elle fut transportée dans les Champs Élysées.
Médée est donc représentée comme une errante, une étrangère, vouée à des changements continuels de résidence. Cette "barbare" (au sens grec du mot) a retenu les secrets des pharmaka : elle peut donc blesser mais aussi guérir, tuer ou sauver. Elle se déchaîne avec la violence d'une sorcière mais se montre une mère aimante (Euripide, Médée). C'est toute l'ambiguïté de ce personnage attachant.
Les pharmaka de Circé avaient transformé les hommes en animaux ; d'autres pharmaka guérissaient les blessures des héros et des dieux ; ce pouvoir ambigu, qui participe donc de la magie, avait été utilisé par Médée pour sauver Jason puis pour perdre sa jeune épouse Glaukè ; une autre mortelle, l'innocente Déjanire, va, mais cette fois à son insu, avoir recours, elle aussi, à un procédé magique.
Rappelons brièvement les faits : cette princesse étolienne était l'épouse d'Héraklès qui, au cours d'une lutte acharnée, l'avait conquise sur son prétendant, le dieu-fleuve Achéloos. Un jour, en quittant Calydon, ville d'Étolie où ils résidaient, les époux durent franchir une rivière en crue ; Héraklès pouvait franchir la rivière mais non Déjanire ; il confie donc son épouse au centaure Nessos, qui servait de passeur ; mais pendant qu'il portait la jeune femme, le centaure essaya de la ravir et de la violer. Aux cris de son épouse, Héraklès se retourna et perça le centaure d'une flèche mortelle. Avant de mourir Nessos confia un "philtre d'amour" à Déjanire pour garder la fidélité de son époux. Quelques années plus tard Héraklès, ayant vaincu Eurytos, roi d'Oechalie, emmena sa fille, Iole, comme captive et la prit pour concubine. Ayant appris par un compagnon d'Héraklès son infortune, Déjanire, jalouse, se souvint du présent de Nessos ; pour retrouver l'amour de son époux, elle teignit une tunique avec le prétendu philtre d'amour et l'envoya à Héraklès (Sophocle, Les Trachiniennes). Celui-ci voulait offrir un sacrifice à Zeus pour le remercier de sa victoire ; il revêtit la tunique neuve envoyée par sa femme et aussitôt, au contact de la chaleur de son corps, la tunique imprégnée du poison se mit à le brûler terriblement. Malgré tous ses efforts Héraklès ne put se débarrasser de la tunique fatale.(Ovide, Métamorphoses et Sophocle, Les Trachiniennes)). Alors il gravit le mont Oeta et il y dressa un bûcher sur lequel il monta et il périt ainsi dans les flammes .
Il s'agit donc encore là d'un exemple de magie érotique.
Cependant le texte littéraire qui fournit le document le plus complet sur les rites de la magie amoureuse est un texte de Théocrite, Les magiciennes (Idylles, II). Dans ce poème une jeune femme, de condition modeste, semble-t-il, Simaitha, essaye de reconquérir l'amour du beau Delphis dont on lui a révélé l'infidélité. Elle est aidée, dans la succession de ses opérations magiques, par sa servante Thestylis.
On retrouve dans ce poème tous les ingrédients de la defixio érotique, mais utilisés de façon incohérente : tantôt il s'agit de faire revenir l'amant tout brûlant de passion et d'amour, tantôt de le faire disparaître, de le dissoudre, de l'anéantir totalement. Cette incohérence peut s'expliquer par la passion toute charnelle de Simaitha, passion qui l'a ravagée, la brûle encore et lui inspire les élans contradictoires du désir et de la vengeance. On pourra, en conclusion, proposer une autre explication.
Conformément à l'habitude, les rites magiques sont accompagnés, au long du poème, d'incantations aux divinités aimées des sorcières : Artémis-Hécate évidemment, Séléné (la lune, complice des sorcières) et Aphrodite. (Théocrite, Idylles II)
Simaitha prépare d'abord ses philtra (à noter la parenté de ce mot avec le verbe philein = aimer) destinés à lier ; elle fait brûler de l'orge, habituellement utilisé dans les sacrifices, des feuilles de laurier, du son ; puis elle fait fondre de la cire (peut-être une figurine de cire) et elle fait tourner le rhombe (sorte de toupie de magicien), toutes pratiques habituelles de la magie érotique ; ensuite elle accomplit trois libations (chiffre rituel) (Théocrite, Idylles, II) ; elle prépare enfin une sorte de décoction, un breuvage magique composé de différents ingrédients dont des plantes aphrodisiaques (Théocrite, Idylles, II). Tous ces rites sont accompagnés d'une sorte de refrain, de litanie, qui se répète neuf fois et qui est destinée à ramener l'amant perdu chez l'amante délaissée : "Iynx, attire vers ma demeure cet homme, mon amant". On s'est interrogé sur la nature de cet "iynx". Primitivement c'est le nom d'une nymphe, fille d'Écho, qui, au moyen de ses philtres avait rendu Zeus amoureux d'Io ou d'elle-même ; pour se venger, Héra l'avait transformée en un oiseau, le torcol ; celui-ci, attaché sur une roue, servait à des opérations de magie amoureuse; puis le terme a désigné la roue elle-même, sorte de disque dont le tournoiement accompagnait les invocations (comme le faisait le rhombe). Dans ce poème, ce refrain, répété tous les quatre vers, fait participer le lecteur (ou l'auditeur), comme on l'a remarqué, à l'action et l'envoûtement magiques.
Ce rituel Simaitha l'accomplit en toute connaissance de cause ; elle n'est pas une sorcière professionnelle, mais elle connaît bien ces rites, d'abord pour avoir consulté au début de sa passion des sorcières puis elle les a appris "d'un étranger d'Assyrie" nous dit-elle. On s'est appuyé sur cette expression pour affirmer que ce texte illustre ne représentait pas une réalité grecque car il mêlait des rites différents et qui n'auraient aucune efficacité si on les appliquait ensemble : incohérence de cette série de rites, destinés, les uns, à faire revenir l'amant, à lui inspirer à nouveau de la passion pour l'amante, et les autres, à l'anéantir physiquement. Théocrite ne nous fournirait donc pas un document sur la pratique de la magie à son époque, l'époque hellénistique (IIIe s. av. J.-C.), mais un tableau évocateur susceptible d'éveiller des associations d'idées liées à la magie. La présence d'un instrument comme l'iynx, qui ne figure dans aucun document archéologique, renforcerait cette opinion. Pour le public cultivé et éclairé de l'époque, ce genre de texte constituerait un divertissement esthétique. Déjà, dans un document antérieur (Xénophon, Mémorables) les termes habituels du vocabulaire de la magie semblent représenter un sujet de plaisanterie littéraire. En tout cas, s'il n'est pas un document à proprement parler sur la pratique de la magie dans la Grèce du IIIe siècle, l'expression de la passion et de la jalousie, dans la deuxième partie du poème, représente un des sommets de la poésie lyrique.
Tous les exemples précédents nous montrent donc des femmes qui se livrent à des pratiques de sorcellerie. Or, la grande majorité des documents archéologiques dont nous avons parlé dans l'introduction nous montrent, eux, des hommes essayant, par des pratiques magiques variées, d'attirer, de posséder une victime féminine. On peut alors s'interroger sur les raisons qui ont incité les écrivains à ce renversement de situation. Dans la réalité quotidienne les hommes veulent généralement s'assurer la possession d'une femme en vue d'améliorer leur statut social : il était difficile, en effet, pour un homme qui n'était pas du même rang, d'obtenir une jeune fille de bonne famille ; les défixions et les incantations magiques pouvaient, pensait-on, y aider. Mais, d'un autre côté, ce recours à la magie devait être secret car ce comportement était en totale opposition avec l'image que la société donnait de l'homme, image de guerrier viril. Il en allait de même pour l'amour fou qu'un homme pouvait ressentir pour une femme, passion qui l'égarait au point d'avoir recours à la magie. Il y avait donc un décalage entre la réalité (où le recours à la magie semblait indispensable) et le système de représentations mentales de la société dans laquelle on vivait. Ce qui expliquerait que les écrivains ne parlent que de sorcières : les femmes, marginalisées dans les sociétés antiques, représenteraient un danger pour l'homme et son autonomie.
Néanmoins nous rencontrons dans la littérature grecque des exemples d'hommes qui ont recours à la magie ; à l'origine, Ulysse pratique l'évocation des morts dans la Nekuia (Odyssée, XI), mais n'oublions pas qu'il accomplit tous ses gestes d'après les indications d'une femme (même si elle est déesse), de Circé.
Beaucoup plus tard, nous retrouvons les mêmes rites chez Lucien qui se met en scène lui-même en quête d'une descente aux Enfers (et non d'une évocation des morts). Le récit de Lucien (Ménippe ou la Nékyomancie) est bien évidemment une parodie de la Nékuia, mais les rites sont les mêmes : purification, invocations, incantations, sacrifice d'animaux (Lucien, Ménippe).
Plus nettement critique est l'ouvrage du même Lucien intitulé Alexandre ou le faux prophète. Dans sa jeunesse, cet Alexandre (qui a véritablement existé) avait subi l'ascendant d'un sorcier ; devenu à son tour habile sorcier lui-même (Lucien, Alexandre) il se présentait comme un magicien, donnait des réponses oraculaires à des questions remises sous plis cachetés (Lucien, Alexandre). Mais tout, dans l'ouvrage, nous renvoie à une critique de ce qu'on appellerait aujourd'hui une secte et cherche à mettre en valeur la supériorité d'une doctrine philosophique, l'épicurisme (Lucien, Alexandre).
En conclusion, quelles réactions la magie et ses pratiques ont-elles inspirées aux penseurs grecs ? Il nous faut attendre le IVème siècle pour les constater. À cette époque le culte d'Asklépios et les guérisons magiques se multiplient (on a même pu dire qu'Épidaure était devenu "une sorte de Lourdes de l'Antiquité") Le médecin Hippocrate (-460-380) connaît sans aucun doute les pratiques des sorciers puisqu'il les raille dans leurs prétentions de guérir les malades (Hippocrate, Sur la maladie sacrée) ; à la même époque Platon (-428-347), dans plusieurs textes, a évoqué la magie et la sorcellerie. Si, dans l'éducation, il voit un caractère positif à l'utilisation des sortilèges pour entraîner les futurs gardiens à y résister plus tard, sa méfiance à l'égard de la magie l'emporte le plus souvent. Il stigmatise les prêtres itinérants et mendiants, les devins (Platon, République) et condamne violemment les enchanteurs de toutes sortes, les sorciers qui prétendent dicter aux dieux des ordres : la magie est une tromperie et une impiété ; il faut donc punir avec la plus grande sévérité quiconque a recours à ces pratiques (Platon, Lois).
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
Les pratiques de la magie dans la littérature latine
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Chez les Romains, il semble qu'à l'origine certaines prières archaïques ressemblaient fort à des incantations magiques, trahissant la conviction qu'on pouvait commander aux dieux. Mais la prière silencieuse et tacite a toujours attiré la réprobation car on y voyait le projet d'un envoûtement personnel d'une personne déterminée : dès la Loi des Douze Tables, (premier code juridique romain, établi vers -450) le recours aux pratiques de la magie fut interdit. En -81 parmi les lois prise par L. Cornelius Sulla figure une loi "de sicariis et ueneficiis" punissant le commerce des poisons et les pratiques magiques. Ces "défixions" effrayaient beaucoup les Romains.
C'est pourquoi à leur tour, les auteurs latins se sont emparés du thème de la magie et ont complaisamment évoqué les procédés utilisés par les sorcières. Chez eux aussi, nous ne trouvons que des sorcières, pas de sorciers. Nous procéderons par ordre chronologique car la position des auteurs vis-à-vis de la magie ne s'est pas exprimée toujours de la même façon.
Virgile, le premier semble-t-il, s'est inspiré de la deuxième idylle de Théocrite dans une de ses Bucoliques (la 8ème). Dans ce texte un berger raconte l'histoire d'une pauvre paysanne qui veut ramener à elle l'infidèle fiancé qu'elle aime. Cette paysanne, aidée elle aussi par sa servante (comme chez Théocrite) utilise tous les procédés magiques, essentiellement des incantations (carmina), une defixio, des herbes et des poisons (Virgile, Bucoliques). Mais ce n'est pas une magicienne de profession ; elle est même épouvantée par les forces qu'elle vient de déchaîner contre son fiancé.
En revanche, Canidie, dont nous parle le poète Horace à plusieurs reprises, est une véritable sorcière dont on peut penser qu'elle n'est pas née de l'imagination du poète. C'était peut-être, dit-on, une parfumeuse napolitaine... Elle hantait à Rome, en compagnie d'autres sorcières, le quartier de l'Esquilin, proche du Quirinal, dont une partie servait de cimetière pour les esclaves et les pauvres gens. Même une fois transformé en parc par les soins de Mécène, ce quartier restait peu fréquenté et donc propice aux agissements des sorcières. Nous retrouvons là les scènes d'évocation des morts ou les scènes d'envoûtement (Horace, Satires). Dans un autre texte nous pouvons même assister à un véritable drame qui se passe, lui, à Subure, quartier mal famé au pied du Quirinal et de l'Esquilin. Pour reconquérir son vieil amant, Canidie n'hésite pas à sacrifier un enfant (d'après une inscription, ce sacrifice serait vraisemblable tant les pratiques de la magie se répandaient à l'époque augustéenne) (Horace, Épodes). La scène se passe, bien sûr, la nuit avec pour auxiliaire Diane, confondue avec Hécate (Horace, Épodes).
S'il est vrai que les pratiques de la magie se répandaient, à l'époque augustéenne, dans les quartiers chauds de la capitale (l'Esquilin et Subure), ces pratiques touchaient surtout le milieu populaire car la magie met à profit des connaissances essentiellement empiriques. Magiciennes et sorcières connaissaient bien, par exemple, le pouvoir de certaines herbes (et ceci est vrai de tous les temps et de tous les pays) dont le suc ou les panicules floraux contiennent des substances hallucinogènes, euphorisantes ou excitantes (ou peut citer le datura, la belladone ou l'armoise), substances qui entraînent facilement une modification du psychisme.
D'autre part le rôle du rhombe (chez les Grecs l'iynx) est, lui aussi, facile à expliquer : le tournoiement de cette roue crantée où s'enfilaient deux fils liés à leur extrêmité, fascinait l'oeil et son vrombissement endormait l'oreille, créant ainsi comme un phénomène d'hypnose.
On peut alors se demander si les intellectuels de l'époque croyaient, eux, à l'efficacité de la magie. Les dames de haut rang craignaient sans doute de voir leurs amants séduits par les prostituées de Subure et accusaient celles-ci de recourir à la magie si elles voyaient leurs amants se détacher d'elles. C'est ce qui expliquerait les allusions nombreuses à la magie que nous rencontrons chez les poètes élégiaques, comme Tibulle (Tibulle, Élégies) ou Properce (Properce, Élégies). Mais il faut noter que ni l'un ni l'autre ne décrit le déroulement d'une véritable séance de magie (contrairement à ce que l'on a vu chez Virgile ou Horace), ce qui tendrait à faire penser qu'ils ne l'évoquent que par plaisanterie ou humour, opposant spirituellement, a-t-on pu dire, le bonum carmen de la poésie aux carmina mala de la magie et à ses pratiques douteuses.
C'est sans doute aussi l'attitude d'Ovide qui n'invoque la magie que sur le ton d'un esprit rationaliste et sceptique. Il ne croit pas, par exemple, aux pouvoirs des procédés magiques en matière amoureuse : Circé ni Médée, pourtant magiciennes confirmées! , n'ont pu retenir leur amant (Ovide, Art d'aimer). L'amour, en effet, ne se gagne pas par des pratiques de magie mais par la personnalité et la beauté. Malgré tout, la magie occupe une place importante dans les Métamorphoses, mais à titre de symbole : elle permet d'exprimer, de façon imagée, la force démoniaque des passions. Ainsi Junon, voulant se venger d'Athamas et de sa femme Ino qui ne lui rendent pas le culte qu'elle estime lui être dû, charge l'Érinye Tisiphone de les rendre fous au point de tuer leurs propres enfants (Ovide, Métamorphoses). Circé, dédaignée par le dieu marin Glaucus, qui lui préfère Scylla, se déchaîne contre sa rivale en usant des procédés magiques habituels : herbes vénéneuses, incantations, litanies, etc. (Ovide, Métamorphoses). De même, lorsqu'elle aperçoit le beau roi d'Ausonie, Picus, le désir s'éveille en elle de façon irrépressible ; elle use alors de magie pour le rencontrer seule à seul (Ovide, Métamorphoses), puis, refusée par Picus qui reste fidèle à sa femme, elle se venge immédiatement de lui en le transformant en pivert malgré l'intervention de ses compagnons (Ovide, Métamorphoses). Mais en faisant ces récits, Ovide ne décrit jamais des scènes pénibles de magie. Même lorsqu'il évoque le parcours d'une Médée, il s'efforce d'éviter les détails sinistres ou sanglants et parsème son récit de pauses plus ou moins souriantes (Ovide, Métamorphoses) ; l'égorgement de Pélias, pourtant plus réaliste, est précédé du rajeunissement d'un très vieux bélier en.... agneau nouveau-né ; or, pensons-nous d'emblée, comment ce vieillard pourra-t-il redevenir un nouveau-né ? (ce n'était pas le cas d'Éson, rajeuni par Médée). L'humour trouve là sa place, incontestablement.
Donc, dans toutes ces métamorphoses, nous sentons un procédé littéraire plus qu'une description technique de pratiques magiques. La preuve en est qu'Ovide aime aussi à retracer des métamorphoses à l'envers, c'est-à-dire le retour à leur état normal d'êtres auparavant métamorphosés : c'est le cas des compagnons d'Ulysse que Circé ramène progressivement à leur forme humaine (Ovide, Métamorphoses), ou celui d'Io, aimée de Zeus et longtemps condamnée par Junon à errer dans le monde sous la forme d'une génisse (Ovide, Métamorphoses) : la description s'attarde complaisamment et comme avec un sourire sur la réapparition des formes humaines. La magie exerce donc là une séduction surtout poétique et l'on pourrait songer à faire un rapprochement avec les pouvoirs magiques du poète-musicien Orphée.
Nous changeons totalement d'époque et d'atmosphère quand nous abordons un autre personnage de sorcière, dont l'influence s'est fait longtemps sentir : il s'agit de la sorcière Érichto, sorcière thessalienne (rappelons que, dans la tradition, la Thessalie est le pays par excellence des sorcières) que Lucain a mise en scène au livre VI de son épopée la Pharsale (env. 60 ap. J.-C.) dans une scène difficilement soutenable de nécromancie. Peu de temps avant la bataille décisive de Pharsale (en 68) entre César et Pompée, le fils de ce dernier, Sextus, consulte la sorcière Érichto pour connaître le sort de la bataille. Lucain met d'abord le lecteur en condition par une description du pays et une longue énumération des pouvoirs communs à toutes les magiciennes thessaliennes (Lucain, Pharsale). Érichto est présentée ensuite comme très supérieure dans sa pratique de la magie à ses compatriotes. Son aspect sinistre (Lucain, Pharsale) prélude à ses horribles agissements à l'égard des cadavres et des tombeaux (Lucain, Pharsale). Vient enfin la consultation elle-même, qui se déroule évidemment en pleine nuit. Pour répondre à la demande de Sextus, Érichto choisit un cadavre, parmi ceux des soldats tués au cours d'escarmouches précédentes qu'elle forcera ensuite à révéler l'avenir ; mais auparavant, elle se livre à toute une série de pratiques impressionnantes (Lucain, Pharsale), insulte même les divinités infernales qui tardent à délivrer le soldat de la mort (Lucain, Pharsale). Enfin celui-ci reprend vie et la Thessalienne lui promet, s'il dit la vérité, qu'il ne sera plus jamais importuné dans la mort par des pratiques magiques (Lucain, Pharsale). Le cadavre ressuscité révèle alors à mots couverts la défaite de Pompée et celles de ses fils mais aussi la mort de César. Après ces quelques paroles, le soldat retourne au royaume des morts et la sorcière brûle son corps.
Tout ce long passage, qui remplit la moitié du chant VI de l'épopée, prouve que le public auquel Lucain s'adressait croyait à la magie et la pratiquait souvent. On peut même penser, vu la précision des détails, que Lucain la connaissait personnellement très bien et que peut-être même il s'y était adonné.
Nous terminerons ce panorama de la magie dans la littérature latine par une lecture d'Apulée (environ 125-170). Originaire d'Afrique du Nord, il fit des études supérieures de philosophie à Athènes puis à Rome avant de retourner à Carthage où, sans doute, il mourut. Au milieu du siècle il fut accusé de divination magique et d'envoûtement érotique pour obtenir la main d'une riche veuve. Il s'en défendit dans une brillante Apologie. Mais son chef-d'oeuvre est un roman en onze livres, Les Métamorphoses ou l'Âne d'or, qui répond à l'attente du public de l'époque des Antonins pour les "mirabilia" (= choses extraordinaires) qui se rattachent à la tradition des fables milésiennes, sorte de fictions littéraires ne relevant d'aucun genre précis et dont l'origine remontait à un certain Aristide de Milet (env. au 1er siècle avant J.-C.) ; de plus, l'essor des mystiques orientales, notamment égyptiennes, rénovait les promesses de l'art magique : les pratiques magiques et les rituels religieux se confondent alors plus ou moins.
Le jeune (et beau) Lucius, qui raconte lui-même ses aventures, voyage en Grèce ; obsédé par les mystères de la magie, il se rend en Thessalie, province célèbre par ses magiciennes (Apulée, Métamorphoses). Il y a, en effet, un "modèle thessalien" de la magie : utilisation d'herbes nocives, pouvoirs aphrodisiaques, pouvoirs de dérèglement cosmique, nécromancie, résurrection des morts. Nous allons, de fait, retrouver toutes ces pratiques dans les Métamorphoses. Lucius loge, à Hypate, en Thessalie, chez un certain Milon dont la femme, Pamphile, a des pouvoirs de magicienne (Apulée, Métamorphoses) ; cette Pamphile s'éprend facilement, rapidement et follement dès qu'elle voit un beau jeune homme ; c'est ainsi qu'elle charge un jour sa servante, Photis, de recueillir des cheveux qu'on vient de couper à un bel éphèbe blond ; la servante ayant été chassée par le coiffeur, donne à sa maîtresse des poils d'outres de chèvres : aussi la cérémonie ne "marche"-t-elle pas ! (Apulée, Métamorphoses, ). Notre Lucius, qui n'a pas peur, séduit Photis et lui demande de le faire assister à quelque opération pratiquée par sa maîtresse. Il assiste ainsi, éberlué, à la transformation de Pamphile en hibou grâce à une certaine pommade magique (Apulée, Métamorphoses). Il supplie alors Photis de lui procurer cette pommade pour devenir, lui aussi, oiseau ou, plutôt Cupidon ailé lui-même! Dans sa hâte, Photis se trompe de boîte et voilà notre beau jeune homme, bien pommadé, transformé... en âne! (Apulée, Métamorphoses) Il fera alors, tout en gardant son esprit critique, l'apprentissage de la vie misérable des animaux. Des brigands l'emmènent et le font participer à leurs méfaits ; dans la caverne où ils cachent le produit de leurs vols, ils amènent un jour une belle jeune fille éplorée à laquelle une vieille femme, pour la consoler, narre l'histoire de Psyché dont Cupidon est tombé amoureux et qu'il a emmenée dans son palais ; mais il ne vient que la nuit et jamais Psyché ne peut voir son amant ; poussée par une curiosité funeste, elle découvre, à la lumière d'une lampe, pendant qu'il dort, l'identité de celui qui l'aime ; mais une goutte d'huile tombe de la lampe sur le corps de Cupidon qui s'enfuit et abandonne Psyché. Celle-ci ne retrouvera Cupidon qu'après bien des épreuves et sur ordre de Jupiter, qui la rendra immortelle. L'âne-Lucius s'enfuit avec la jeune fille puis se trouve successivement au service d'un meunier, d'un jardinier, d'un soldat, d'un pâtissier et d'un cuisinier qui en font un âne savant qu'on montre en spectacle. Écoeuré, Lucius finit par se sauver. Pendant toutes ses aventures il recherche en vain les roses qu'il doit brouter pour retrouver sa forme humaine. Grâce à la déesse Isis, dont le prêtre, au cours d'une cérémonie, offre une couronne de roses à brouter à Lucius, celui-ci recouvre enfin sa forme d'homme (Apulée, Métamorphoses). Il deviendra alors membre de la "sainte milice" des initiés au culte isiaque.
Au cours des aventures de Lucius nous rencontrons, outre Pamphile, une autre magicienne, Méroé. Elle a des pouvoirs cosmiques (Apulée, Métamorphoses) ; ses incantations transforment en animaux ceux qui ont eu le malheur de lui déplaire (Apulée, Métamorphoses) ; elle inflige une mort différée à un amant qui la délaisse (Apulée, Métamorphoses).
Enfin, nous assistons à une scène de nécromancie et de résurrection des morts. Au début de son voyage en Thessalie, Lucius a rencontré un certain Thélyphron qui lui a raconté sa mésaventure ; il gardait le cadavre d'un jeune homme, dont on avait constaté l'intégrité physique, mais il fut endormi par une magicienne qui avait pris la forme d'une belette. À son réveil, il assiste à l'enterrement du jeune homme, lorsque le père de celui-ci, persuadé que son fils a été assassiné, invite un prêtre égyptien à ressusciter le mort pour le faire parler. Le jeune homme révèle alors qu'il a bien été assassiné et que son gardien a été mutilé à son insu (Apulée, Métamorphoses). Il faut remarquer qu'ici la nécromancie est utilisée pour obtenir la vérité : il s'agit donc d'une magie bienfaisante.
Les Métamorphoses se terminent sur la toute bonté de la vraie magie : Isis apparaît comme la médiatrice qui concilie magie et religion. Du reste, elle se présente elle-même comme une grande magicienne (Apulée, Métamorphoses). Ce dénouement édifiant montre que les puissances divines sont seules capables de préserver l'homme de toutes les embûches, voire de prolonger sa vie (Apulée, Métamorphoses), contrairement aux entreprises criminelles des sorcières thessaliennes. Mais il ne faut pas croire pour autant que les Métamorphoses se terminent sur une note mystique. La "scène" (scæna est un terme de théâtre) de la nécromancie évoquée plus haut ne s'obtient qu'après versement au prêtre d'une somme d'argent importante, d'une part, et, d'autre part, le jeune homme est brutalement invité à parler ; de même, au moment du retour à la forme humaine de Lucius, il y a un contraste comique entre le geste pudique de Lucius et l'air extasié du prêtre. Ces détails tendent donc plutôt à faire préférer une interprétation ironique et amusée des scènes présentées, à un procédé littéraire.
Le seul "mysticisme" que l'on pourrait voir dans ce dernier épisode (c'est une explication que l'on a proposée) serait d'un autre ordre que religieux. On a remarqué, en effet, que Lucius désirait avoir des ailes comme Cupidon ; or ce dieu est une figure centrale (dans l'épisode de Psyché) où il est présenté non seulement comme le dieu de l'amour, mais comme le dieu de la Beauté. Le ravissement de Psyché découvrant la beauté de Cupidon pourrait être celui de Lucius qui s'exprime devant tous les beaux spectacles qu'il rencontre (chevelure de Photis, palais de Cupidon, site de la caverne des brigands, etc.). Cette extase devant la Beauté aurait des résonances platoniciennes. Lucius s'est laissé induire en erreur et corrompre par la mauvaise magie avec ses recettes prétendument merveilleuses (d'où sa transformation en âne) ; mais sous sa peau d'âne, grâce à la réminiscence du Beau, il a fini par reconnaître son erreur, vaincre le maléfice avec l'aide de la déesse qui détient les vrais secrets des choses (d'où son initiation).
Nous pouvons donc dire, en conclusion, que la magie occupe une place assez importante dans la littérature latine, mais comment y est-elle présentée ? À l'époque républicaine et sous l'empire julio-claudien elle semble d'abord cantonnée dans les milieux populaires ; puis peu à peu elle envahit les classes supérieures de la société. Les écrivains, eux, qui en évoquent les pratiques, traitent cette magie avec scepticisme, humour ou s'en servent comme procédés littéraires pour évoquer la force des passions ou traduire un engagement politique (songeons à Lucain). Néanmoins l'exemple d'Érichto chez Lucain prouve à quel point les pratiques de la magie étaient devenues communes et combien la vie religieuse quotidienne faisait appel aux sorciers, devins, astrologues et mages de toutes sortes. Le vieil animisme romain y trouvait son compte : alors que tout ce qui subsistait de la magie primitive avait été édulcoré par la réglementation des Pontifes, les cultes orientaux et la magie libéraient de ces contraintes les esprits avides de "mirabilia" et d' "insolita". On en trouve aussi le reflet dans l'oeuvre d'Apulée.
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Chez les Romains, il semble qu'à l'origine certaines prières archaïques ressemblaient fort à des incantations magiques, trahissant la conviction qu'on pouvait commander aux dieux. Mais la prière silencieuse et tacite a toujours attiré la réprobation car on y voyait le projet d'un envoûtement personnel d'une personne déterminée : dès la Loi des Douze Tables, (premier code juridique romain, établi vers -450) le recours aux pratiques de la magie fut interdit. En -81 parmi les lois prise par L. Cornelius Sulla figure une loi "de sicariis et ueneficiis" punissant le commerce des poisons et les pratiques magiques. Ces "défixions" effrayaient beaucoup les Romains.
C'est pourquoi à leur tour, les auteurs latins se sont emparés du thème de la magie et ont complaisamment évoqué les procédés utilisés par les sorcières. Chez eux aussi, nous ne trouvons que des sorcières, pas de sorciers. Nous procéderons par ordre chronologique car la position des auteurs vis-à-vis de la magie ne s'est pas exprimée toujours de la même façon.
Virgile, le premier semble-t-il, s'est inspiré de la deuxième idylle de Théocrite dans une de ses Bucoliques (la 8ème). Dans ce texte un berger raconte l'histoire d'une pauvre paysanne qui veut ramener à elle l'infidèle fiancé qu'elle aime. Cette paysanne, aidée elle aussi par sa servante (comme chez Théocrite) utilise tous les procédés magiques, essentiellement des incantations (carmina), une defixio, des herbes et des poisons (Virgile, Bucoliques). Mais ce n'est pas une magicienne de profession ; elle est même épouvantée par les forces qu'elle vient de déchaîner contre son fiancé.
En revanche, Canidie, dont nous parle le poète Horace à plusieurs reprises, est une véritable sorcière dont on peut penser qu'elle n'est pas née de l'imagination du poète. C'était peut-être, dit-on, une parfumeuse napolitaine... Elle hantait à Rome, en compagnie d'autres sorcières, le quartier de l'Esquilin, proche du Quirinal, dont une partie servait de cimetière pour les esclaves et les pauvres gens. Même une fois transformé en parc par les soins de Mécène, ce quartier restait peu fréquenté et donc propice aux agissements des sorcières. Nous retrouvons là les scènes d'évocation des morts ou les scènes d'envoûtement (Horace, Satires). Dans un autre texte nous pouvons même assister à un véritable drame qui se passe, lui, à Subure, quartier mal famé au pied du Quirinal et de l'Esquilin. Pour reconquérir son vieil amant, Canidie n'hésite pas à sacrifier un enfant (d'après une inscription, ce sacrifice serait vraisemblable tant les pratiques de la magie se répandaient à l'époque augustéenne) (Horace, Épodes). La scène se passe, bien sûr, la nuit avec pour auxiliaire Diane, confondue avec Hécate (Horace, Épodes).
S'il est vrai que les pratiques de la magie se répandaient, à l'époque augustéenne, dans les quartiers chauds de la capitale (l'Esquilin et Subure), ces pratiques touchaient surtout le milieu populaire car la magie met à profit des connaissances essentiellement empiriques. Magiciennes et sorcières connaissaient bien, par exemple, le pouvoir de certaines herbes (et ceci est vrai de tous les temps et de tous les pays) dont le suc ou les panicules floraux contiennent des substances hallucinogènes, euphorisantes ou excitantes (ou peut citer le datura, la belladone ou l'armoise), substances qui entraînent facilement une modification du psychisme.
D'autre part le rôle du rhombe (chez les Grecs l'iynx) est, lui aussi, facile à expliquer : le tournoiement de cette roue crantée où s'enfilaient deux fils liés à leur extrêmité, fascinait l'oeil et son vrombissement endormait l'oreille, créant ainsi comme un phénomène d'hypnose.
On peut alors se demander si les intellectuels de l'époque croyaient, eux, à l'efficacité de la magie. Les dames de haut rang craignaient sans doute de voir leurs amants séduits par les prostituées de Subure et accusaient celles-ci de recourir à la magie si elles voyaient leurs amants se détacher d'elles. C'est ce qui expliquerait les allusions nombreuses à la magie que nous rencontrons chez les poètes élégiaques, comme Tibulle (Tibulle, Élégies) ou Properce (Properce, Élégies). Mais il faut noter que ni l'un ni l'autre ne décrit le déroulement d'une véritable séance de magie (contrairement à ce que l'on a vu chez Virgile ou Horace), ce qui tendrait à faire penser qu'ils ne l'évoquent que par plaisanterie ou humour, opposant spirituellement, a-t-on pu dire, le bonum carmen de la poésie aux carmina mala de la magie et à ses pratiques douteuses.
C'est sans doute aussi l'attitude d'Ovide qui n'invoque la magie que sur le ton d'un esprit rationaliste et sceptique. Il ne croit pas, par exemple, aux pouvoirs des procédés magiques en matière amoureuse : Circé ni Médée, pourtant magiciennes confirmées! , n'ont pu retenir leur amant (Ovide, Art d'aimer). L'amour, en effet, ne se gagne pas par des pratiques de magie mais par la personnalité et la beauté. Malgré tout, la magie occupe une place importante dans les Métamorphoses, mais à titre de symbole : elle permet d'exprimer, de façon imagée, la force démoniaque des passions. Ainsi Junon, voulant se venger d'Athamas et de sa femme Ino qui ne lui rendent pas le culte qu'elle estime lui être dû, charge l'Érinye Tisiphone de les rendre fous au point de tuer leurs propres enfants (Ovide, Métamorphoses). Circé, dédaignée par le dieu marin Glaucus, qui lui préfère Scylla, se déchaîne contre sa rivale en usant des procédés magiques habituels : herbes vénéneuses, incantations, litanies, etc. (Ovide, Métamorphoses). De même, lorsqu'elle aperçoit le beau roi d'Ausonie, Picus, le désir s'éveille en elle de façon irrépressible ; elle use alors de magie pour le rencontrer seule à seul (Ovide, Métamorphoses), puis, refusée par Picus qui reste fidèle à sa femme, elle se venge immédiatement de lui en le transformant en pivert malgré l'intervention de ses compagnons (Ovide, Métamorphoses). Mais en faisant ces récits, Ovide ne décrit jamais des scènes pénibles de magie. Même lorsqu'il évoque le parcours d'une Médée, il s'efforce d'éviter les détails sinistres ou sanglants et parsème son récit de pauses plus ou moins souriantes (Ovide, Métamorphoses) ; l'égorgement de Pélias, pourtant plus réaliste, est précédé du rajeunissement d'un très vieux bélier en.... agneau nouveau-né ; or, pensons-nous d'emblée, comment ce vieillard pourra-t-il redevenir un nouveau-né ? (ce n'était pas le cas d'Éson, rajeuni par Médée). L'humour trouve là sa place, incontestablement.
Donc, dans toutes ces métamorphoses, nous sentons un procédé littéraire plus qu'une description technique de pratiques magiques. La preuve en est qu'Ovide aime aussi à retracer des métamorphoses à l'envers, c'est-à-dire le retour à leur état normal d'êtres auparavant métamorphosés : c'est le cas des compagnons d'Ulysse que Circé ramène progressivement à leur forme humaine (Ovide, Métamorphoses), ou celui d'Io, aimée de Zeus et longtemps condamnée par Junon à errer dans le monde sous la forme d'une génisse (Ovide, Métamorphoses) : la description s'attarde complaisamment et comme avec un sourire sur la réapparition des formes humaines. La magie exerce donc là une séduction surtout poétique et l'on pourrait songer à faire un rapprochement avec les pouvoirs magiques du poète-musicien Orphée.
Nous changeons totalement d'époque et d'atmosphère quand nous abordons un autre personnage de sorcière, dont l'influence s'est fait longtemps sentir : il s'agit de la sorcière Érichto, sorcière thessalienne (rappelons que, dans la tradition, la Thessalie est le pays par excellence des sorcières) que Lucain a mise en scène au livre VI de son épopée la Pharsale (env. 60 ap. J.-C.) dans une scène difficilement soutenable de nécromancie. Peu de temps avant la bataille décisive de Pharsale (en 68) entre César et Pompée, le fils de ce dernier, Sextus, consulte la sorcière Érichto pour connaître le sort de la bataille. Lucain met d'abord le lecteur en condition par une description du pays et une longue énumération des pouvoirs communs à toutes les magiciennes thessaliennes (Lucain, Pharsale). Érichto est présentée ensuite comme très supérieure dans sa pratique de la magie à ses compatriotes. Son aspect sinistre (Lucain, Pharsale) prélude à ses horribles agissements à l'égard des cadavres et des tombeaux (Lucain, Pharsale). Vient enfin la consultation elle-même, qui se déroule évidemment en pleine nuit. Pour répondre à la demande de Sextus, Érichto choisit un cadavre, parmi ceux des soldats tués au cours d'escarmouches précédentes qu'elle forcera ensuite à révéler l'avenir ; mais auparavant, elle se livre à toute une série de pratiques impressionnantes (Lucain, Pharsale), insulte même les divinités infernales qui tardent à délivrer le soldat de la mort (Lucain, Pharsale). Enfin celui-ci reprend vie et la Thessalienne lui promet, s'il dit la vérité, qu'il ne sera plus jamais importuné dans la mort par des pratiques magiques (Lucain, Pharsale). Le cadavre ressuscité révèle alors à mots couverts la défaite de Pompée et celles de ses fils mais aussi la mort de César. Après ces quelques paroles, le soldat retourne au royaume des morts et la sorcière brûle son corps.
Tout ce long passage, qui remplit la moitié du chant VI de l'épopée, prouve que le public auquel Lucain s'adressait croyait à la magie et la pratiquait souvent. On peut même penser, vu la précision des détails, que Lucain la connaissait personnellement très bien et que peut-être même il s'y était adonné.
Nous terminerons ce panorama de la magie dans la littérature latine par une lecture d'Apulée (environ 125-170). Originaire d'Afrique du Nord, il fit des études supérieures de philosophie à Athènes puis à Rome avant de retourner à Carthage où, sans doute, il mourut. Au milieu du siècle il fut accusé de divination magique et d'envoûtement érotique pour obtenir la main d'une riche veuve. Il s'en défendit dans une brillante Apologie. Mais son chef-d'oeuvre est un roman en onze livres, Les Métamorphoses ou l'Âne d'or, qui répond à l'attente du public de l'époque des Antonins pour les "mirabilia" (= choses extraordinaires) qui se rattachent à la tradition des fables milésiennes, sorte de fictions littéraires ne relevant d'aucun genre précis et dont l'origine remontait à un certain Aristide de Milet (env. au 1er siècle avant J.-C.) ; de plus, l'essor des mystiques orientales, notamment égyptiennes, rénovait les promesses de l'art magique : les pratiques magiques et les rituels religieux se confondent alors plus ou moins.
Le jeune (et beau) Lucius, qui raconte lui-même ses aventures, voyage en Grèce ; obsédé par les mystères de la magie, il se rend en Thessalie, province célèbre par ses magiciennes (Apulée, Métamorphoses). Il y a, en effet, un "modèle thessalien" de la magie : utilisation d'herbes nocives, pouvoirs aphrodisiaques, pouvoirs de dérèglement cosmique, nécromancie, résurrection des morts. Nous allons, de fait, retrouver toutes ces pratiques dans les Métamorphoses. Lucius loge, à Hypate, en Thessalie, chez un certain Milon dont la femme, Pamphile, a des pouvoirs de magicienne (Apulée, Métamorphoses) ; cette Pamphile s'éprend facilement, rapidement et follement dès qu'elle voit un beau jeune homme ; c'est ainsi qu'elle charge un jour sa servante, Photis, de recueillir des cheveux qu'on vient de couper à un bel éphèbe blond ; la servante ayant été chassée par le coiffeur, donne à sa maîtresse des poils d'outres de chèvres : aussi la cérémonie ne "marche"-t-elle pas ! (Apulée, Métamorphoses, ). Notre Lucius, qui n'a pas peur, séduit Photis et lui demande de le faire assister à quelque opération pratiquée par sa maîtresse. Il assiste ainsi, éberlué, à la transformation de Pamphile en hibou grâce à une certaine pommade magique (Apulée, Métamorphoses). Il supplie alors Photis de lui procurer cette pommade pour devenir, lui aussi, oiseau ou, plutôt Cupidon ailé lui-même! Dans sa hâte, Photis se trompe de boîte et voilà notre beau jeune homme, bien pommadé, transformé... en âne! (Apulée, Métamorphoses) Il fera alors, tout en gardant son esprit critique, l'apprentissage de la vie misérable des animaux. Des brigands l'emmènent et le font participer à leurs méfaits ; dans la caverne où ils cachent le produit de leurs vols, ils amènent un jour une belle jeune fille éplorée à laquelle une vieille femme, pour la consoler, narre l'histoire de Psyché dont Cupidon est tombé amoureux et qu'il a emmenée dans son palais ; mais il ne vient que la nuit et jamais Psyché ne peut voir son amant ; poussée par une curiosité funeste, elle découvre, à la lumière d'une lampe, pendant qu'il dort, l'identité de celui qui l'aime ; mais une goutte d'huile tombe de la lampe sur le corps de Cupidon qui s'enfuit et abandonne Psyché. Celle-ci ne retrouvera Cupidon qu'après bien des épreuves et sur ordre de Jupiter, qui la rendra immortelle. L'âne-Lucius s'enfuit avec la jeune fille puis se trouve successivement au service d'un meunier, d'un jardinier, d'un soldat, d'un pâtissier et d'un cuisinier qui en font un âne savant qu'on montre en spectacle. Écoeuré, Lucius finit par se sauver. Pendant toutes ses aventures il recherche en vain les roses qu'il doit brouter pour retrouver sa forme humaine. Grâce à la déesse Isis, dont le prêtre, au cours d'une cérémonie, offre une couronne de roses à brouter à Lucius, celui-ci recouvre enfin sa forme d'homme (Apulée, Métamorphoses). Il deviendra alors membre de la "sainte milice" des initiés au culte isiaque.
Au cours des aventures de Lucius nous rencontrons, outre Pamphile, une autre magicienne, Méroé. Elle a des pouvoirs cosmiques (Apulée, Métamorphoses) ; ses incantations transforment en animaux ceux qui ont eu le malheur de lui déplaire (Apulée, Métamorphoses) ; elle inflige une mort différée à un amant qui la délaisse (Apulée, Métamorphoses).
Enfin, nous assistons à une scène de nécromancie et de résurrection des morts. Au début de son voyage en Thessalie, Lucius a rencontré un certain Thélyphron qui lui a raconté sa mésaventure ; il gardait le cadavre d'un jeune homme, dont on avait constaté l'intégrité physique, mais il fut endormi par une magicienne qui avait pris la forme d'une belette. À son réveil, il assiste à l'enterrement du jeune homme, lorsque le père de celui-ci, persuadé que son fils a été assassiné, invite un prêtre égyptien à ressusciter le mort pour le faire parler. Le jeune homme révèle alors qu'il a bien été assassiné et que son gardien a été mutilé à son insu (Apulée, Métamorphoses). Il faut remarquer qu'ici la nécromancie est utilisée pour obtenir la vérité : il s'agit donc d'une magie bienfaisante.
Les Métamorphoses se terminent sur la toute bonté de la vraie magie : Isis apparaît comme la médiatrice qui concilie magie et religion. Du reste, elle se présente elle-même comme une grande magicienne (Apulée, Métamorphoses). Ce dénouement édifiant montre que les puissances divines sont seules capables de préserver l'homme de toutes les embûches, voire de prolonger sa vie (Apulée, Métamorphoses), contrairement aux entreprises criminelles des sorcières thessaliennes. Mais il ne faut pas croire pour autant que les Métamorphoses se terminent sur une note mystique. La "scène" (scæna est un terme de théâtre) de la nécromancie évoquée plus haut ne s'obtient qu'après versement au prêtre d'une somme d'argent importante, d'une part, et, d'autre part, le jeune homme est brutalement invité à parler ; de même, au moment du retour à la forme humaine de Lucius, il y a un contraste comique entre le geste pudique de Lucius et l'air extasié du prêtre. Ces détails tendent donc plutôt à faire préférer une interprétation ironique et amusée des scènes présentées, à un procédé littéraire.
Le seul "mysticisme" que l'on pourrait voir dans ce dernier épisode (c'est une explication que l'on a proposée) serait d'un autre ordre que religieux. On a remarqué, en effet, que Lucius désirait avoir des ailes comme Cupidon ; or ce dieu est une figure centrale (dans l'épisode de Psyché) où il est présenté non seulement comme le dieu de l'amour, mais comme le dieu de la Beauté. Le ravissement de Psyché découvrant la beauté de Cupidon pourrait être celui de Lucius qui s'exprime devant tous les beaux spectacles qu'il rencontre (chevelure de Photis, palais de Cupidon, site de la caverne des brigands, etc.). Cette extase devant la Beauté aurait des résonances platoniciennes. Lucius s'est laissé induire en erreur et corrompre par la mauvaise magie avec ses recettes prétendument merveilleuses (d'où sa transformation en âne) ; mais sous sa peau d'âne, grâce à la réminiscence du Beau, il a fini par reconnaître son erreur, vaincre le maléfice avec l'aide de la déesse qui détient les vrais secrets des choses (d'où son initiation).
Nous pouvons donc dire, en conclusion, que la magie occupe une place assez importante dans la littérature latine, mais comment y est-elle présentée ? À l'époque républicaine et sous l'empire julio-claudien elle semble d'abord cantonnée dans les milieux populaires ; puis peu à peu elle envahit les classes supérieures de la société. Les écrivains, eux, qui en évoquent les pratiques, traitent cette magie avec scepticisme, humour ou s'en servent comme procédés littéraires pour évoquer la force des passions ou traduire un engagement politique (songeons à Lucain). Néanmoins l'exemple d'Érichto chez Lucain prouve à quel point les pratiques de la magie étaient devenues communes et combien la vie religieuse quotidienne faisait appel aux sorciers, devins, astrologues et mages de toutes sortes. Le vieil animisme romain y trouvait son compte : alors que tout ce qui subsistait de la magie primitive avait été édulcoré par la réglementation des Pontifes, les cultes orientaux et la magie libéraient de ces contraintes les esprits avides de "mirabilia" et d' "insolita". On en trouve aussi le reflet dans l'oeuvre d'Apulée.
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
ce site pourrais serieusement vous aider je ne les recopirerai pas car sa serais execsivement long et je ne serais koi y choisir voici le lien http://www.cosmovisions.com/$A.htm
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
en voici un autre lien sera par exemple sur la magie celtique http://www.rituel-fr.com/Magie-celtique.php
Guig- Magistrats
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Re: Quelque idées générale des classes
voici un lien qui parle de la magie du voudouisme et de un de dautre type de magie noire egalement http://www.heresie.com/vaudou.htm
Guig- Magistrats
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- Message n°22
Re: Quelque idées générale des classes
voici un site qui parle de necromancie et de egalement de dautre type de magie http://www.iza-voyance.com/necromancie.htm
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